Arroyo, « Dans le respect des traditions »

Arroyo, « Dans le respect des traditions »

C’est le titre de l’expo. C’est un clin d’œil. C’est aussi la démonstration d’une maestria.
Arroyo c’est un torrent. Eduardo Arroyo c’est un torrent dont la turbulence ne s’interrompt que lorsque le peintre, le sculpteur Arroyo lâche pinceaux et ciseaux pour le stylo de l’écrivain Arroyo.
Artiste plastique ou homme de plume Arroyo  raconte. C’est un narrateur.
Il dit et ce faisant il biffe, il corrige, et, au passage, remet quelques pendules à l’heure.

Quand il reprend La Ronde de Nuit (même format que le Rembrandt )  il équipe les miliciens noctambules de gourdins afin de rappeler leur vraie mission qui n’était pas de parader ce qu’avait fait oublier le génie du maître hollandais. Quand il peint Sylvia Beach fête la publication d’Ulysse dans la cuisine d’Adrienne Monnier  c’est pour mettre fin à l’éclipse qui fait disparaître la célèbre libraire. Quand il peint c’est pour écrire, c’est pour dire, c’est pour rétablir l’équilibre. Quand il redessine au crayon, au format de l’original, l’immense retable de l’Agneau Mystique des Van Eyck en  changeant certains personnages c’est encore et toujours pour dire autre chose autrement.

Arroyo peint comme il écrit. Arroyo est un fleuve torrentiel qui emporte dans son courant tous les outils, tous les codes ( pas toujours les clés ) du symbolisme, du pré-impressionnisme, de l’impressionnisme, du pointillisme, du cubisme, du dadaïsme ou du surréalisme. Il peint dans toutes ces langues. Souvent plusieurs dans le même tableau.

Son œuvre protéiforme se source à tous les courants sans en suivre un seul. Son admiration pour Max Ernst ou de Chirico ne le dévie jamais d’un chemin qu’il invente en marchant et qui se faufile entre ses obsessions espagnoles, ses engagements idéologiques et ses passions littéraires.

Pour Saint-Paul, pour la Fondation, il a créé spécialement des bronzes et des sculptures de pierre qui traitent du Double, sujet littéraire s’il en est. Falstaff/Orson Wells, Frida Kalho/Don Juan Tenorio, Bécassine/Tolstoï.
L’humour, dans chacune de ses œuvres récentes ( 2016 )  comme dans l’ensemble de son travail, tient l’autosatisfaction à distance. Nombre d’entre elles pourraient figurer en bonne place au Musée des Arts Modestes de Sète.

Touche à tout de génie, interviewé par Art Press, il cite Ducasse qui disait :
Chaque chose arrive à son heure et c’est là son excellence – Parmi les obsessions d’Arroyo il n’y a jamais eu le succès.

Il est sans impatience. Il vous attend.
Pour découvrir ou redécouvrir cette œuvre inclassable.

Jusqu’au 19 novembre 2017

Fondation Maeght
623 Chemin des Gardettes,
06570 Saint-Paul-de-Vence
Tous les jours de 10h-18h (19 h en septembre)

Pierre Vauconsant