Before the eye lid’s laid

Before the eye lid’s laid

C’est un moment de grâce, un instant suspendu. Les yeux rivés sur les clichés, ou happés par le défilement silencieux du projecteur, le visiteur s’interroge. Il s’interroge sur sa réalité, sa perception immédiate. Et se figure soudain, comme le suggère l’artiste Agnès Geoffrey, que la première image, celle qui s’impose à nous juste avant que les paupières se ferment, porte en elle plusieurs sens. Car derrière l’implacable apparence d’une photographie sourd une tension, manifeste. La violence qu’elle révèle, sans pour autant l’attiser (les murs roses tempèrent à dessein le tranchant des images), se cristallise autour de l’action suspendue, de l’attente, de l’inertie.

L’exposition propose une constellation d’images et de textes d’Agnès Geoffrey, ponctués d’inserts critiques de J. Emil Sennewald. Bien loin des cartels institutionnels, la prose poétique de Sennewald s’émancipe de sa fonction explicative pour résonner avec les œuvres. Écriture et images oscillent, et confrontent subtilement leurs degrés de signification respectifs.

Métamorphoses
Cette série originale composée de quatre photographies est mise en scène par Agnès Geoffrey. Dans chaque image se dissimule une seconde représentation, mise en abîme des conflits intérieurs. L’œil ne sait plus où fixer son attention tant les images et les sensations sont multiples, instables.
Outre la tension sous-jacente, la notion de la domination physique et psychologique est omniprésente : l’étreinte familière devient oppressante, le dessin naïf d’un enfant inquiétant, le souvenir d’un être cher pesant.
Insert : « Doppelganger, doubles, fait du gestus d’images ». Le spectateur doit dépasser la conception de la photo en tant qu’instant réel pris sur le vif. Car la photographie est aussi un produit de fiction, une mise scène de l’imaginaire. L’image influence notre notion du réel et induit parfois une réalité parallèle.

Short Stories
Deux projecteurs délivrent en décalé un récit. L’un projette des sujets, l’autre des actions absurdes ou violentes inspirées de faits divers, historiques ou personnels. Le décalage des projecteurs crée une tension narrative qui agit à la manière d’un filtre poétique.

Incidental Gestures
Cette collection d’images glanées dans des archives ou achetées sur internet par l’artiste est emblématique de son travail de réappropriation. Par le biais de trois clichés a priori anodins, Agnès Geoffrey propose une relecture de leur histoire en les retouchant. La modification introduit la violence et l’étrange, mais elle permet également dans une moindre mesure la « réparation », avec le portrait de Laura Nelson, victime de lynchage. Le macabre est supplanté par le sublime. Le réel modelé par la vision singulière de l’artiste.
La photographie se présente sous un jour nouveau et apparaît définitivement comme un instrument de pouvoir intarissable.

Jusqu’au 23 décembre 2017

Centre Photographique d’Ile-de-France
Cour de la Ferme Briarde,
107 avenue de la République,
77340 Pontault-Combault
Du mercredi au vendredi de 13h à 18h, Samedi et dimanche de 14h à 18h. Fermé les lundis, mardis et jours fériés. Visites commentées gratuites chaque dimanche à 15h.

Lauréana Lebrun, étudiante en peinture et arts graphiques à l’IESA.
Crédit photo : Agnès Geoffray