Otto Dix, estampes

Otto Dix, estampes

Il est rare de voir rassemblée et présentée l’œuvre gravée d’Otto Dix en France. Une raison de plus pour aller la découvrir au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix aux Sables-d’Olonne.

Cette exposition, organisée en partenariat avec le Zeppelin Museum de Friedrichshafen, s’inscrit dans le cadre des célébrations de l’armistice de la guerre 1914-1918 et est l’occasion de présenter la série de cinquante gravures à l’eau-forte d’Otto Dix intitulée La Guerre (Der Krieg), éditée par Karl Nierendorg en 1924 à Berlin.

Considéré comme l’une des figures les plus marquantes du XXe siècle, Otto Dix est un artiste majeur dont l’œuvre est très peu représentée dans les collections françaises. Ainsi, l’exposition Otto Dix. Estampes est une occasion unique de découvrir les estampes réalisées par l’artiste tout au long de sa carrière.

Gravures sur bois, eaux-fortes, lithographies… Les estampes d’Otto Dix offre une vision de l’entre-deux-guerre marquée par les horreurs de la guerre. Témoin implacable de la société de son temps, il souhaite en saisir les fastes et la décadence, les crimes et les souffrances dans une œuvre sans concession.

Dix a traversé tant de situations extrêmes, à la fois comme artiste et comme homme : de la Première Guerre mondiale à la République de Weimar, avant sa mise au ban par les Nazis en tant qu’artiste « dégénéré »,à sa retraite au bord du lac de Constance, comme un exilé à l’intérieur même de son pays, puis à l’après-guerre, où il ne cessa d’aller et venir entre l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est, deux mondes totalement différents.

C’est aussi dans ce contexte qu’il convient de comprendre son exclamation valant programme : « Je dois tout voir ! » .Des nus aux portraits et aux sujets religieux jusqu’aux œuvres consacrées à la guerre ou aux villes, son œuvre est d’une exceptionnelle diversité et ne saurait être réduite aux seuls travaux célèbres des années 1920 et 1930.Ce faisant, il convient aussi de reconnaître l’étroitesse des liens qui existent entre ces différentes thématiques :Éros et Thanatos, l’érotique et le religieux, la grande ville et la guerre tissent la trame d’une seule et même entité marquée par la multiplicité de leurs rapports réciproques. Cependant, au centre de sa création, on trouve toujours l’homme qu’il convient de révéler sous toutes ses facettes et dans ses expériences de vie les plus extrêmes.

Le nu, le portrait, la ville, la religion et la guerre, tels sont les thèmes de prédilection d’Otto Dix abordés dans l’exposition. Ils symbolisent sa volonté de saisir l’homme dans son entier, de la naissance jusqu’à la mort, comme un être de chair et de sang.

Villes
Ses œuvres témoignent de la vie urbaine, avec ses lieux de divertissements – bordels, cafés, bars, foires. Il convient d’y ajouter le cirque qui offrit à l’artiste nombre de motifs grotesques et riches en contrastes. Dans le cycle gravé Cirque de 1922, Dix célèbre cet univers comme l’incarnation d’un autre monde : artistes, numéros d’équilibristes ou d’illusion et animaux permettent au spectateur d’échapper à un quotidien morne et étriqué. Le cirque lui offre un monde parallèle où il devient possible de dépasser les normes et les frontières sociales. Les acrobates, doués d’une exceptionnelle habileté, sont magnifiés par Otto Dix sous les traits de Lili, reine de l’air ou de Trompe-la-mort. À travers leurs numéros particulièrement dangereux, ils évoluent à la limite entre vie et trépas.

Portraits
Dans l’œuvre d’Otto Dix, les portraits occupent une place importante qui n’est pas seulement quantitative. Leur thématique occupe l’artiste tout au long de sa vie. De la prostituée à l’intellectuel, du travailleur à l’entrepreneur, Dix a portraituré aussi abondamment que sans ménagement, toutes les couches de la société. Ces portraits témoignent par ailleurs d’une combinaison entre l’homme, vu comme le représentant d’un certain « type social »,et l’individu doté d’une personnalité propre.

Nus
La représentation du nu constitue un élément central de l’œuvre de Dix : des figures féminines difformes, marquées par la vie, y contrastent avec des corps jeunes et sensuels. L’artiste est fasciné par la diversité de l’anatomie féminine qui constitue pour lui une source d’inspiration essentielle. Dix expose le nu avec une radicalité et une franchise provocantes. Seins pendants, corps déformés par la maladie, visages marqués par les rides, ossature apparente, ses portraits féminins sont d’un naturel impitoyable, qui prend parfois un caractère grotesque

Guerres
« Je suis un homme de vérité. Je dois tout voir. Je dois vivre par moi-même tous les abîmes de la vie. C’est pourquoi je vais à la guerre.» C’est par ces mots qu’en 1963, Dix explique les raisons de son engagement volontaire pendant la Première Guerre mondiale, à l’image de celui de nombre de ses contemporains. Comme pour Nietzsche, la guerre est aux yeux de l’artiste un phénomène naturel qu’il ne saurait négliger, afin de vivre des situations humaines extrêmes. Comme en témoignent nombre d’œuvres conservées au Zeppelin Museum, Dix prend pour sujet son expérience des tranchées, en première ligne : la mort de ses camarades, sa propre peur de mourir, le combat contre l’ennemi.

Saints
« L’homme est ton dieu. » C’est par ces mots qu’Otto Dix a commenté son Christ devant Pilate, un dessin au fusain de 1948, soulignant ainsi son intérêt pour les thèmes religieux. Pour Dix, il y va de l’homme lui-même, de ce qui est proprement humain, de la confrontation avec les expériences humaines les plus extrêmes. Les premières représentations religieuses voient le jour durant la Première Guerre mondiale. En se saisissant des mythes chrétiens, l’artiste cherche à compenser le « tarissement de sa source d’inspiration », car, une fois sur les rives du lac Constance, il ne peut plus puiser dans la réalité multiforme des motifs que lui offraient les grandes villes et n’a d’autre choix que de se concentrer sur de nouveaux sujets.

Otto Dix qui, malgré la tourmente, fit de la représentation fidèle de la réalité, tout aussi irreprésentable soit-elle, son credo, fut ainsi, à l’instar de Francisco de Goya, un témoin implacable de la société de son temps dont il saisit les fastes et la décadence, les crimes et les souffrances, dans une œuvre sans concession qui restitue la vérité dans toute sa crudité.

Jusqu’au 13 janvier 2019

Musée de l’Abbaye Sainte-Croix
Rue de Verdun
85100 Les Sables d’Olonne
Ouvert du mardi au vendredi de 14 h à 18 h ; Week-end et jours fériés de 11 h à 13 h et de 14 h à 18 h ; Vacances scolaires (toutes zones) du mardi au vendredi de 11 h à 13 h et de 14 h à 18 h ;  Fermé les lundis et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre

Photos in situ : Véronique Grange-Spahis