Le Piège : Trafic des Femmes au Népal par Lizzie Sadin

Le Piège : Trafic des Femmes au Népal par Lizzie Sadin

Depuis sa création en 2009, le prix Carmignac du photojournalisme soutient chaque année la production d’un reportage d’investigation, dans une région du monde où les droits et libertés fondamentales de l’Homme sont bafoués. Financé à hauteur de 50 000 euros, le photographe associe ses efforts à la Fondation Carmignac pour organiser à son retour une exposition itinérante, portée par des images poignantes.
Lizzie Sadin, lauréate de l’édition 2017, offre ici un témoignage bouleversant sur le quotidien des femmes au Népal. Lumière sur une pratique terrible, véritable phénomène de société.

L’embrigadement

Si les visages et les prénoms diffèrent, les histoires de ces femmes ont toutes le même prélude. Un agent véreux, un(e) « ami(e) » ou bien un membre de la famille évoque à la victime l’espoir d’une vie meilleure. Sous couvert de mille promesses, dont celle de s’arracher à la précarité grâce à un travail, la jeune femme abandonne son foyer pour rejoindre la capitale Katmandou. Mais une fois arrivée, le piège se referme. Ses possessions sont confisquées, son corps tout entier, vendu. Selon les « offres », elle sera alors destinée à alimenter l’industrie « du loisir » ou envoyée à l’étranger en tant qu’esclave domestique ou sexuelle. On estime ainsi à 20 000 le nombre de femmes employées à satisfaire la clientèle des « dance-bars », « cabin-restaurants » ou salons de massage. Plus de la moitié sont mineures.

En instaurant la confiance par le dialogue, Lizzie Sadin a infiltré le quotidien de ces femmes, non sans risque. Bravant l’interdit, ses photos parfois prises à la dérobée sont glaçantes. Glaçantes et cruelles car sidérantes de vérité. Sur l’une d’elles nous découvrons deux femmes au sourire pensif, qui semblent attendre, adossées à un mur. Le cartel nous apprend que ces femmes du cabin-restaurant attendent effectivement les clients. Celle de droite au regard mutin n’a pas plus de quinze ans.


Un peu plus loin, une autre œuvre suscite le débat parmi les visiteurs. Qui en effet n’a t-il pas évoqué son profond malaise face à la scène de viol ? Le tenancier d’un bar simule devant nos yeux un rapport sexuel afin d’exciter la clientèle. Cette pratique malheureusement monnaie courante ne choque pas le moins du monde au Népal. Et c’est peut-être là le véritable fond du problème.
Dans une société patriarcale sclérosée par des principes discriminants, la femme intègre très tôt son statut d’être inférieur et exploitable. Le tremblement de terre de 2015 n’a fait empirer leur condition. Leur maison détruite, leur mari exilé à l’étranger ou complice, elles deviennent la proie d’un trafic humain très lucratif.

Sanctions et moyens de lutte

Le Népal possède une frontière ouverte sur l’Inde. Aucun passeport ou visa n’est requis pour traverser, ce qui facilite grandement le travail des trafiquants. Les autorités débordées essayent tant bien que mal de protéger les femmes mais la tâche s’avère très complexes. « Elles ne sont pas conscientes d’être des victimes » répète Lizzie Sadin. Elles croient naïvement leur ravisseur et mentent souvent de leur plein gré pour passer. Aux contrôleurs de détecter la gravité de la situation. Ils n’ont souvent que quelques minutes pour estimer les risques mais leurs décisions peuvent sauver des vies.
Une série de photographies leur est consacrée. On les découvre dans leur quotidien, rythmé de contrôle des convois, vérifications des identités et arrestations multiples. Lorsqu’un réseau est identifié, les femmes sont conseillées auprès d’associations et les trafiquants incarcérés. Ils risquent jusqu’à 15 ans jour/nuit de prison, dérisoire lorsque l’on sait qu’au Népal, les nuits comptent comme les jours (la peine est donc réduite de moitié).

Bien que faibles, les tentatives de sensibilisation à ce phénomène sont réelles et le combat des associations permanents. L’exposition se conclut sur une note émouvante : la création d’un dispositif de protection pour les enfants issus de l’exploitation. Planète enfants et développement a en effet créé en 1997 au Népal les maternelles de l’espoir. Leur promesse : garantir une éducation aux plus démunis et leur offrir les conditions nécessaires à leur bien-être et à leur développement. Certaines femmes prises au piège espèrent ainsi préserver leurs enfants. Leur revanche s’attacherait donc à l’éducation d’une génération future capable de surmonter les carcans sociétaux. Elles en ont conscience : la connaissance et le savoir peuvent brisent bien des les chaînes.

Jusqu’au 12 novembre 2017

Hôtel de l’Industrie
4 place Saint-Germain-des-prés 75006 Paris
Entrée libre tous les jours de 11h à 19h
Nocturne les vendredis jusqu’à 22h.

Lauréana Lebrun, étudiante en peinture et arts graphiques à l’IESA.