Rock the kasbah

Rock the kasbah

Découvrir ICI :

Si vous vous promenez dans Paris 18ème, il faut absolument pousser jusqu’à Barbès, puis se diriger vers le quartier de la goutte d’or, pour découvrir l’Institut des Cultures de l’Islam (ICI). Que les mécréants soient rassurés, ils sont les bienvenus. ICI propose des concerts, des expositions, des documentaires, des films, des débats, des cafés littéraires, des conférences, des ateliers pédagogiques, etc. La programmation est l’image du quartier, populaire, joyeuse, hétéroclite, et s’adresse aussi bien aux étudiants, travailleurs, intellectuels, immigrés, qu’aux parents accompagnés de leurs enfants.

Baptisée, « Rock the kasbah », la nouvelle saison culturelle, du 7 mars au 30 juillet 2017 mérite parfaitement ce titre emprunté aux Clash, qui avaient conçu cette chanson en réponse à l’interdiction d’écouter de la musique, prononcée par l’ayatollah Khomeiny. Ce succès fut ensuite repris par le chanteur franco-algérien Rachid Taha. La programmation est riche, variée, avec des œuvres très accessibles, d’autres moins, des artistes établis et d’autres émergents.

L’exposition :

Dans la lignée de cet institut culturel, ouvert à tous, il est prévu deux fois par mois, des visites commentées de l’exposition, ce qui permet de mieux appréhender la démarche des artistes. Ainsi lorsqu’on découvre les vidéos d’Adel Abidin, né à Bagdad, au premier abord, l’on imagine que l’inspiration est celle des films américains des années 60 avec un plan, cabaret et belle chanteuse. Il n’en est rien. L’œuvre est très sarcastique, elle fait référence à l’ancien dictateur de Bagdad. L’artiste explique : sous le règne de Saddam Hussein, des vidéos de propagande étaient diffusées à la télévision. Le thème, toujours identique, représentait une superbe femme ou plusieurs qui récitent les louanges de Saddam. Adel Abidin a parodié ces films. Pour ce faire, il a demandé à de jolies blondes, finlandaises de chanter ces textes. Lisant les paroles arabes, écrites phonétiquement, elles n’en comprennent pas le moindre mot. C’est cela qui est jubilatoire lorsque le visiteur accède à la traduction française des paroles qui vénèrent la force, le courage, la sagesse de l’ancien dictateur. Avec le même humour, cet artiste a filmé quatre musiciens en leur proposant d’improviser un rythme en utilisant comme instruments de percussion, des pains très durs. Résultat : « Bread of live » une vidéo musicale superbement cadencée.

Magdi Mostafa se plaît à analyser et décortiquer la société. Pour ses installations sonores, il a enregistré les bruits du Caire au petit matin, soit un mélange des tambours des machines à laver que lancent les femmes et l’appel du muezzin, qui, ironie, ce jour-là, traitait de la place des femmes et de la nécessité de bien se comporter avec elles.

Dans une petite salle sombre, projection en continu de la vidéo de Christian Marclay où l’on voit le musicien attacher une guitare électrique avec une corde, qu’il relie à une voiture. Puis celle-ci démarre, entraînant la guitare qui se balance au bout de la corde. L’instrument racle le sol, produit des sons dissonants, insupportables. Le malaise nous gagne, lorsqu’on comprend que cette projection fait référence, au lynchage de James Byrd, en 1998 au Texas. Ce jeune Afro-Américain fut ligoté par les pieds puis attaché derrière un pick-up et traîné sur trois kilomètres jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’exposition se poursuit avec des artistes venus de tous les horizons, Angelica Mesiti d’Australie qui a filmé la danse des cheveux, Hiwa K qui montre le Kurdistan Irakien, Jompet Kuswidananto d’Indonésie avec ses musiciens fantômes, Siaka Soppo Traoré du Cameroun avec sa série de photos sur un groupe de breakdance sénégalais, issu du mouvement contestataire « Y’en a marre » dénonçant la corruption des élus ou encore Philippe Chancel immortalisant une bande du 93, fan de rock’n’roll, type boogie-woogie ou Katia Kameli retraçant l’histoire du Raï entre Oran et Paris… Prendre son temps et découvrir toutes les œuvres.

 

Ici, une programmation qui vaut le détour :

Il y aura forcément un spectacle qui retiendra votre attention tant la programmation est large, diverse, éclectique, rock et rebelle. Voici, une petite sélection, non exhaustive des événements, à venir.

Samedi 18 mars à 11h – Ô nuit, ô mes yeux, café littéraire autour du livre de Lamia Ziadé

Dimanche 26 mars à 11h – Festival Panafricain d’Alger film de William Klein. Projection Le Louxor, Palais du Cinéma, Paris 10ème

Vendredi 7 avril à 19h – Battle de clips. Une sélection de vidéo-clips du monde musulman

Vendredi 28 avril à 19h – Les Chats persans, film de Bahman Ghodabi, sélectionné au Festival de Cannes en 2009. Il suit les pérégrinations de musiciens au travers d’un Téhéran où la musique est interdite et considérée comme subversive.

Samedi 13 mai à 20h et dimanche 14 mai à 16h – We love arabs – danse/théâtre par Hillel Kogan et Adi Boutrous. C’est l’histoire d’un chorégraphe israélien qui décide de danser avec un Arabe. Spectacle esthétique avec une belle dose d’humour.

Vendredi 2 juin à 21 h – DZ Metal avec deux groupes de rock : ACYL avec un chanteur a la superbe voix rappeuse, un batteur très rock métal, des percussions très présentes, bref un groupe métal ethnique. Lelahell, groupe de métal algérien où l’on sent que les musiciens ont été influencés par Scorpions, Motorhead, Belphegor.

Jeudi 22 juin à 20h30 – Conte Nasreddine le Hodja, par Kamel Zouaoui ; à 22h30 Derviche Spirit par des aspirants qui interprètent les chants traditionnels soufis

Jeudi 29 juin à 20h30 – Speed Caravan, groupe fondé par Mehdi Haddad qui a électrifié son oud. Comme le nom l’indique c’est speed et c’est une merveille de rock métal aux sonorités orientales.

Mercredi 5 juillet à 20h20 – deux groupes de musique : Doueh & Cheveu, le premier combine musique traditionnelle sahraouie avec des influences rock. Difficile de définir le second, musique électro avec des accents psychédéliques et garage.

Samedi 29 juillet à 19h – The silk road of pop, film de Sameer Farooq. Ce documentaire traite de la minorité ouïghoure, dans la région Xinjiang en Chine. Les réalisateurs nous présentent cette communauté musulmane au travers de leurs traditions et de leur musique.

Créé, à l’initiative de Bertrand Delanoë, l’Institut des Cultures de l’Islam est réparti sur deux bâtiments. Le plus grand, situé rue Stéphenson dispose de grandes salles d’expositions, plus petit, celui de la rue Léon jouit d’une scène à ciel ouvert et d’un restaurant « La table Ouverte », où l’on déjeune avec un menu à 10 €. Le jour de notre visite, c’était, soupe, tajine de poisson ou couscous et dessert. Outre une belle programmation, l’ICI dispense des cours d’arabe littéraire, de kabyle, de wolof, de calligraphie et de chant arabo-andalou. À voir aussi, les ateliers apiculture pour comprendre les abeilles, celles des villes et celles des champs. Les ruches sont situées sur le toit de l’ICI. Il existe aussi des partenariats comme avec le théâtre National de Chaillot, pour organiser courant juillet, des stages de danse avec la compagnie Lanabel. Enfin pour ensoleiller vos apéritifs, rendez-vous aux ateliers cuisine, pour apprendre à réaliser l’houmous, le baba ganousch, le briouate marocain ou les böreks turcs… Voici, un aperçu de tout ce qui foisonne à l’ICI.

Barbara Ates Villaudy

Plus d’informations sur la programmation et les diverses activités : www.ici.paris.fr

ICI Goutte d’or, 56 rue Stéphenson, Paris 18ème
ICI Léon, 19 rue Léon, Paris 18ème
Restaurant « La table Ouverte » du mardi au dimanche de 11 à 19h