Tino Sehgal, En quête de l’autre dans un Palais à nu

Tino Sehgal, En quête de l’autre dans un Palais à nu

Le corps et la parole, l’énergie au centre

Tino Sehgal investit les 13 000 m2 du Palais de Tokyo.

Artiste anglo-allemand, Tino Sehgal a commencé sa carrière artistique en étant danseur, notamment pour Jérôme Bel puis chorégraphe, avant de  mettre au point son art , générateur d’expériences humaines. C’est donc d’abord avec les corps et les mouvements que Tino Sehgal fonde un art qui se développera ensuite avec le langage, et les échanges, avec toujours l’énergie humaine pour seul moteur.
Une expérience unique, que je vous partage ici.

Déconcertant et envoutant

Lorsque l’on descend au sous-sol, l’espace est vide d’œuvres, seuls y demeurent des personnes, d’autres visiteurs, avant de distinguer qu’il se passe plus loin quelque chose de plus spécifique, et que se cachent des « performeurs » parmi ces visiteurs ou plutôt d’autres gens. Tino Sehgal n’aime pas ce mot, et l’on comprend pourquoi après avoir vu son travail, mais faute d’un autre terme, il reste le plus adéquat. Déjà une sensation étrange vous envahit. Un peu déconcerté d’abord, après avoir erré un peu çà et là, on a déjà l’impression de faire un peu partie de cette œuvre, et pour cause, nous sommes faits du même bois que celle-ci. Ils courent puis chantent, mais surtout ils s’écoutent et agissent ensemble dans un magma insaisissable. L’un d’eux va peut-être venir vous parler pour vous raconter une histoire saugrenue.

Après cette première « performance », nous pouvons voir également une vidéo-performance, collaboration avec Philippe Parreno, plus mystique, qui semble plus « théâtrale », avec un début et une fin. Enfin une salle de discussion, où la discussion change au grès des visiteurs et de leurs propositions ; on passerait bien la journée entière avec ces 5 là, à les écouter tergiverser face aux murs.

Arrivée là-haut, le lieu change beaucoup, et l’ambiance avec, notamment dû au plafond coloré réalisé par Buren. Nous voilà partis dans une balade, qui a, je crois, duré environ 20 minutes. D’abord guidé par un enfant, on avance au gré des rencontres et des âges de la vie.  Un véritable road-trip.  Une invitation au voyage magique.

Une œuvre empathique, lieu de « réflection »

À la fin de cette expérience, une chose devient évidente : nous sommes cette œuvre.

Peu d’art peut prétendre à surprendre comme celui-là. C’est une expérience unique, qui est aussi marqueur du temps et du monde dans lequel on vit.

Je crois qu’après passé le moment déconcertant du début, tout le monde peut se laisser porter,  c’est une expérience qui brise le cliché de l’art contemporain incompréhensible. C’est un travail accessible dont on se doit de faire l’expérience. Aucun texte, aucune image ou vidéo si vous avez le malheur d’en trouver (exception faite de celles présentes dans le métro pour la publicité de l’exposition) ne la remplacera.

Plein de bienveillance et d’amour, 400 personnes se relaient pour vous faire vivre une expérience d’une rare beauté, qui vous fait vous interroger sur le rapport à l’art, la position de visiteur et surtout le rapport à l’autre, la rencontre, la discussion, le lien social, mais aussi le sens de la hiérarchie, et enfin sur le rapport au corps, notamment face à  l’architecture incroyable du Palais de Tokyo. Une expérience avant tout, parce qu’elle nous plonge dans nos sensations, nos émotions, et  nous rend différents.

Elle nous montre l’humanité sous son plus bel aspect,  et nous fait sentir un peu meilleur.

Carte blanche à Tino Sehgal

Jusqu’au 18 décembre 2016

Palais de Tokyo,
13 avenue de Président wilson,
75016 Paris
De 12h à 20h (attention fermeture à 19h de l’espace du haut – rez-de-chaussée)

Daphné Perrain, artiste