Le Cercle, audace, originalité et grande classe

Deux « gastros » de haut vol à Bourges

Partie 2 : Le Cercle, audace, originalité et grande classe

Autre lieu, autre style. Après avoir merveilleusement dîné au Beauvoir (http://itartbag.com/beauvoir-maitrise-raffinement/), nous voici donc, deux jours plus tard, partis déjeuner au Cercle, l’unique étoilé Michelin de Bourges, et d’ailleurs le seul à quarante kilomètres à la ronde.

Le Cercle, c’est l’alliance d’un rémois, Christophe Lot, et d’un solognais, Pascal Chaupitre, dont l’amitié s’est nouée quand ils faisaient leurs classes aux Crayères, à Reims, dans la brigade du chef triplement étoilé Gérard Boyer. Ils se promettent alors de travailler ensemble, et cela donnera la création du Cercle en 2011. Entretemps, Christophe part se perfectionner en Provence, à l’Oustau de Baumanière (Les Baux-de-Provence), en Bretagne, au Manoir de Lan Kerellec (Trébeurdun), et surtout à La Côte Saint-Jacques (Joigny) dans la brigade de Jean-Michel Lorain, le chef triplement étoilé dont il devient le second pendant une dizaine d’années.

De son côté, Pascal Chaupitre, resté plus régional, s’est lui aussi formé auprès de chefs multi-étoilés : outre Gérard Boyer, donc, il passe à Bracieux chez Bernard Robin (malheureusement à la retraite, mais dont le lièvre à la royale et le blanc-manger de sole au caviar font encore saliver aujourd’hui), aux Hauts de Loire à Onzain, chez Rémy Giraud, avant de rester deux ans chez le regretté Bernard Loiseau. Puis il ouvre son propre établissement à Vierzon, en 2000, la Maison de Célestin, qui se verra consacré par une étoile Michelin huit ans plus tard. Enfin, en 2011, il retrouve son compère Christophe Lot pour reprendre, dans l’ancien quartier militaire de Bourges, une grande maison bourgeoise de 1844 qui fut longtemps la propriété d’un général avant de devenir brièvement le Piet à Terre restaurant étoilé du chef berruyer Thierry Finet. Avec un tel curriculum vitae nos deux chefs visent évidemment l’excellence : Le Cercle ouvre fin 2011, obtient son étoile Michelin dès février 2013, distinction confirmée année après année depuis, tout comme les trois toques de Gault & Millaut.

Aucun problème pour se garer devant l’établissement, mais pour le trouver, mieux vaut utiliser le GPS si vous n’êtes pas de Bourges : en dépit de son nom, le boulevard Lahitolle est une sorte de longue contre-allée de l’avenue Ernest Renan dont on rate très facilement l’entrée.

En entrant dans la bâtisse, on passe par les salons qui vous accueillent, si vous le souhaitez, pour prendre l’apéritif ou, à l’inverse, café et digestif. On pénètre ensuite dans la vaste salle de restaurant dont les baies vitrées s’ouvrent en grand sur une belle terrasse qui surplombe le jardin. Le décor, à la fois moderne et d’une sobriété raffinée, fait la part belle à l’art contemporain. Un généreux espacement des tables préserve le confort et l’intimité des convives. Le service est évidemment parfait, alliant sourire, attention et professionnalisme.

Des saveurs qui s’entrechoquent, surprennent, titillent…

La cuisine de Chaupitre et Lot, c’est une symphonie de saveurs qui se mêlent, s’entrechoquent, surprennent, titillent, voire même parfois agacent vos papilles avant de vous ravir et de vous laisser un sourire béat sur les lèvres. Chaque plat est servi dans deux préparations différentes, ce qui enrichit encore la palette gustative proposée. Le foie gras mi-cuit à la pomme du coin, et en fine raviole de chou-rave, sauce soja et cacao amer, est une formidable réussite. Même chose pour cette alliance entre cucurbitacées et homard bleu et le pâtisson de pinces et jambon séché. Du côté des plats, même succès, en particulier avec cette merveille de lapereau fermier, râble rôti au thym et pulpe de poivrons grillés, les avants en fine brandade, sauge farcie et artichaut poivrade à la juive, les cuisses en saucisse façon « hot-dog » et moutarde à l’estragon. Il faut oser aussi le filet de bœuf et panisses à la purée de sésame, anchoïade à la menthe et fenouil à la grecque, queue de bœuf en boulette aux épices et soupe vietnamienne !

Du côté des desserts, l’abricot caramélisé au sucre de mélisse, gelée et pulpe de carotte au curcuma, lait d’amande et crème glacée au persil, est excellent, mais c’est sa deuxième présentation, en gratin sur une compote de pruneaux et sabayon au marsala, qui est lui une vraie tuerie : c’est la faiblesse du plat sous deux formes, parfois on voudrait bien doubler (ou même tripler, si, si…) l’une des deux versions… Et si l’abricot, quand il est présent à la carte, est un incontournable, comment ne pas parler aussi du chocolat noir, finger de ganache tendre au sarrasin, gavotte de seigle et confit de raisins frais, crème double acidulée et riz soufflé, comme une Pavlova tout chocolat et raisins secs au muscat de Rivesaltes ?

La carte est assez courte (trois entrées, deux poissons, deux viandes et trois desserts), les prix identiques dans chaque catégorie (20 € pour les entrées, 34 € pour les plats et 16 € pour les desserts). Le menu Cercle Gourmand, à 55 €, permet d’y choisir une entrée, un plat et un dessert, tandis que le Cercle Découverte (70 €) y ajoute une entrée ou un plat supplémentaire au choix. Le midi, du lundi au vendredi, un menu Club à 28 € (entrée, plat, dessert, café inclus) propose la découverte de l’établissement sans se ruiner. Mais la vraie bonne affaire n’est possible que le vendredi soir : le menu Cercle Initiation, à 42 €, vous fait choisir entrée, plat et dessert au choix dans la carte, mais en une seule version, le tout accompagné de deux verres de vin. Côté vins, justement, Le Cercle affiche une des meilleures caves de la région. La carte des vins, bien détaillée, comporte plus d’un demi-millier de références, dont certains flacons dépassent les vingt ans, et à des prix raisonnables compte tenu de la qualité des bouteilles. Toutes les régions de France sont représentées, mais en particulier, évidemment, les productions du Val de Loire. Notons enfin un bon choix en demi-bouteilles. Et puisque nous en sommes à parler de la cave, signalons pour les amateurs de digestifs en fin de repas, une remarquable collection d’alcools détaillée sur la carte des cafés. C’est malin… et traître : nous avouons, nous n’avons pu résister à ce Cognac quadragénaire de 1976…

Alors, Le Cercle mérite-t-il son étoile ? Évidemment oui, et largement. On en sort ébahi et ravi. Si la cuisine du Beauvoir vaut sans doute un macaron, celle du Cercle n’est pas loin d’en valoir deux. Avec une carte un peu plus étoffée, peut-être. Mais attention, pour que l’expérience soit un succès, il faut accepter de se laisser embarquer dans le monde de nos duettistes. Alors, ne découvrez pas Le Cercle un jour où vous êtes malade, déprimé et ronchon : au Cercle, d’une certaine manière, le convive aussi doit avoir du talent.

Didier Ranglaret & Barbara Ates Villaudy

Nota Bene
Certains mercredis Le Cercle dispense aussi des cours de cuisine avec le chef Christophe Lot et d’œnologie avec Stéphane Morrand, le sommelier du restaurant.  Pour 120 €, vous préparerez deux plats aux côtés du chef sur le thème choisi (par exemple la chasse, ou les Saint-Jacques) et dînerez avec lui. Le cours d’œnologie (90 €) est lui aussi suivi d’un dîner avec les vins dégustés. Mais tout cela, c‘est une autre histoire…que nous vous conterons prochainement.

Le Cercle
44 Boulevard Lahitolle,
18000 Bourges
http://www.restaurant-lecercle.fr/