Ossip Zadkine – L’instinct de la matière

Ossip Zadkine – L’instinct de la matière

Isolé du vacarme de la ville, situé au 100 bis rue d’Assas, le Musée-atelier Zadkine est un havre de paix.
Passé la barrière d’immeubles bourgeois on pénètre dans une cour-jardin pour découvrir ce lieu magique qui fut l’atelier d’Ossip Zadkine de 1928 à 1967.
Un des rares ateliers de sculpteurs – avec celui d’Antoine Bourdelle – qui ont pu être sauvegardés à Paris, témoignant du Montparnasse des artistes.

L’exposition présentée en ce moment : Ossip Zadkine – L’instinct de la matière met en lumière le lien organique de l’Artiste avec la matière. Un peu comme ce mot d’enfant qui regardant un sculpteur attaquer un bloc de pierre pour finalement en faire un magnifique étalon… : « Comment savais-tu qu’il y avait un cheval à l’intérieur ? »

Pour Zadkine, les matières sont riches d’une dynamique, d’une poussée que le geste du tailleur doit capter en retour. « Du dialogue avec la matière nait le geste de l’homme », confiait Zadkine à Pierre Cabane (Arts, 1960). L’authenticité de la création plastique passe par ce rapport instinctif avec la matière que Zadkine n’aura de cesse d’éprouver.

Pour lui chaque matériau est une puissance formelle.

On découvre l’œuvre de Zadkine dans un parcours enrichi, avec une scénographie dictée par la résonance même du propos. L’introduction d’œuvres sur papier permet notamment de retrouver le mode de présentation adopté par l’artiste de son vivant et de dépasser l’image d’une œuvre identifiée à la seule sculpture. Cette approche souligne la richesse plastique et la force intérieure d’une création attachée à préserver la nécessité vitale du lien de l’homme à la nature.

Le parcours se divise en 3 sections :

Matière Source :
Celle-ci rassemble certaines tailles directes «nées de la plongée dans les eaux régénératrices de l’archaïsme» pour reprendre les termes mêmes de Zadkine. Mi- figures mi- arbres ou pierres, ces sculptures sont confrontées à une sélection de dessins à la plume des années 1913-14 et de gouaches des années 1920.

Richesse plastique :
Montrant les capacités métamorphiques de la matière, la deuxième partie de l’exposition met l’accent sur la matière transformée, l’assemblage, l’incorporation et l’incrustation de matériaux. Cette section souligne le lien étroit que Zadkine a pu entretenir avec les arts décoratifs. Zadkine renoue avec le caractère spirituel de la sculpture, la charge rituelle de l’ornementation et de la coloration dans la sculpture moderne. En ce sens, les bois dorés à la feuille du Fauve, 1920-1921 ou de la Tête d’homme, 1922 et le plâtre de L’Oiseau d’or, 1924 ne ressortissent ni de l‘enjolivement ni de l’accessoire mais de la richesse plastique.

L’atelier intérieur :
L’atelier de Zadkine préside à la jonction de l’intériorité sensible, psychique, fantasmatique et de l’extériorité – le monde du dehors auquel sont destinées les œuvres. Les différentes thématiques qui traversent l’œuvre de Zadkine sont ainsi évoquées, des femmes à l’oiseau aux figures mythologiques récurrentes : Orphée, 1930-61, Prométhée, 1955-1956 ou L’Odalisque, 1932, pièce majeure
prêtée pour la première fois par le musée Réattu en Arles. Il expérimente physiquement les pratiques et les savoir-faire du sculpteur, qui transparaissent dans la représentation de l’artiste par lui-même. Son image est ainsi évoquée à travers des œuvres comme Le Sculpteur, 1922-1949, manifeste et magnifique autoportrait ou encore l’Auto-portrait testamentaire et inquiétant, 1960.

Dans la section Richesse plastique, le choix de l’œuvre « Le Fauve » pour l’affiche de l’exposition n’est pas innocent.

Ce fauve, prêt à bondir toutes dents en avant est venu directement à Zadkine à partir du bloc de bois tordu qu’on lui avait offert. L’artiste y a vu un grand jouet, moi j’y ai vu la peur primale, toujours est-il qu’il illustre parfaitement le titre de l’exposition puisque c’est la matière qui a décidé de l’œuvre et l’instinct de l’artiste qui lui a donné vie…

Jusqu’au 10 février 2019

Musée Zadkine
100 bis rue d’Assas
75006 Paris
www.zadkine.paris.fr

Eric Turlot