Au Musée de l’Ordre et de la Libération, femme des années 40 est Résistantes !

« L’histoire est écrite par les vainqueurs ». Aujourd’hui, elle honore les gagnantes. Au Musée de l’Ordre et de la Libération, 2024 rime avec 80 ans du Débarquement mais aussi avec le « 80e anniversaire du droit de vote des femmes » soulignent Catherine Lacour-Astol et Vladimir Trouplin, commissaires de Résistantes ! En mémoire de cette date clef dans l’émancipation féminine, ces derniers ont décidé de présenter une exposition originale sur la place des femmes dans la Résistance face à l’oppression allemande.

« Souvent ce sont des expo-affiches, des galeries de portraits » listent les commissaires en évoquant les expositions classiques honorant la mémoire des résistants. Ici « nous voulions faire une expo-objet, tout en relief ». Un pari difficile car la « Résistance laisse peu de traces ». Néanmoins, après d’importantes recherches et des prêts de différents musées, le duo de commissaires a réussi à proposer une exposition thématique fournie, abordant trois thèmes.

Thématique car « nous avons fait le choix de ne pas présenter de frise chronologique » souligne Vladimir Trouplin. Une absence qui peut surprendre et potentiellement égarer le visiteur. Cependant, l’exposition ne manque pas d’être didactique et d’apporter suffisamment de matière, notamment biographique, sur certaines grandes figures pour permettre aux visiteurs, jeunes comme plus âgés, d’apprendre à connaître cette Résistance avec un grand F.

Avant-guerre

Une première partie, le long d’un profond et froid corridor, nous permet justement de prendre la mesure historique du moment. Cette partie est une sorte de prolégomènes : la résistance n’y est pas véritablement évoquée ; l’on assiste plutôt à la description de la France juste avant la guerre.

Un hexagone dans lequel les femmes ne votent pas, ont des fonctions sociales dans le foyer très précises, selon un modèle calqué sur le Pater familias romain. On note néanmoins leurs engagements dans la vie en société, notamment au sein des syndicats.

Peu de nouveautés dans ces panneaux très descriptifs ; néanmoins, un effort de contextualisation notable, illustré par des images d’archives.

Flamme résistante au foyer

« Nous voulions montrer l’évolution, l’ancrage des femmes dans la résistance, comment il évolue », poursuivent les commissaires. Cette évolution se note dans les différentes tâches et formes que va prendre la pratique de la résistance chez les femmes. Cette évolution suit en réalité le mouvement général de la Résistance.

Au début, lorsque l’Occupant vient à peine d’envahir la France, les actions sont, bien évidemment, plus minimes et moins organisées qu’à la fin de la guerre. Au départ donc, le « foyer familial » est un « foyer de résistance » explique l’exposition. Les femmes, bien qu’à la maison, organisent la révolte. Elles étaient parfois seulement une « centaine » mais elles se soulevaient « spontanément » raconte Catherine Lacour-Astol, contre le rationnement, pour « des choses de la vie courante ». Trop souvent banalisées, ces actions du quotidien concernant le manque de nourriture mais aussi la fabrication d’ersatz, sont pourtant les fondements de la Résistance.

Cercles d’engagements

L’exposition présente notamment des cartes individuelles de rationnement, dont une ayant appartenue à Simone Michel-Levy, jurassienne, résistante pionnière au sein de l’administration des Postes et Télécommunications.

Comme cette dernière, certaines ont choisi le cercle professionnel pour entrer en résistance.

D’autres, en revanche, se sont tournées vers le milieu confessionnel. Si Sœur Marie-Odilede La Grande Vadrouille n’est pas représentée, l’on fait notamment la connaissance de Isaure Luzet, résistante et pharmacienne dans le Vercors. Cette dernière réussit à sauver de nombreux juifs des griffes allemandes en les faisant passer en Suisse,à l’aide de son engagement à la Croix-Rouge lui permettant de transiter un peu plus facilement.

La Résistance était « protéiforme » souligne Vladimir Trouplin. L’exposition identifie donc également un autre cercle d’engagement important, celui étudiant. Dans les milieux estudiantins, la grogne se fait, en effet, également ressentir. De nombreux tracts contestataires paraissent, ainsi que des journaux. Si les femmes « écrivent peu » soulignent les commissaires, « du moins officiellement », elles font néanmoins partie de cette autre forme de soulèvement.

Résistances régionales

Avec cette exposition, « nous souhaitions parler de toutes les femmes résistantes, de tous les âges mais aussi de tous les milieux » détaille Catherine Lacour-Astol. L’exposition s’attache donc à présenter des figures issues des diverses contrées françaises.

Dans le Gard, on fait la connaissance de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, nièce de Charles de Gaulle. En tant qu’étudiante, elle participe à la Résistance en devenant agent de liaison au sein du fameux réseau du Musée de l’Homme. Ce dernier est l’un des premiers à s’être créé spontanément après l’Armistice et l’Appel du 18 juin 1940. Au sein de ce réseau, l’on retrouve également Germaine Tillion qui a mené de nombreuses actions avec un autre groupe de résistants qui rejoint également le Musée de l’Homme à cette époque.

La place des femmes dans l’ensemble de ces réseaux est donc importante. Et elle l’est d’autant plus que ces dernières n’étaient pas assignées à une seule tâche ! Au contraire, notent les commissaires, elles pouvaient tout à la fois servir dans différentes opérations et à des rôles radicalement opposés.

Parmi ces rôles, entre autres, celui d’agent de liaison. L’exposition présente ainsi un vélo qui aurait servi à Jeanne Lemoine, résistante au sein du mouvement Défense de la France. Un engagement sur le terrain est donc souligné, tout comme parfois, certaines qui ont « franchi la ligne » en portant les armes.

Peu d’entre elles sont allées jusqu’à cet engagement, quand bien même l’exposition le mentionne et présente la figure de Cécile Rol-Tanguy, une résistante farouche, liée au trafic d’armes à la fin de la guerre.

Répression, résilience

Si beaucoup récusent les actions violentes, les résistantes ne seront néanmoins pas épargnées par la répression. Beaucoup d’entre elles finiront déportées, pendues pour d’autres. Plusieurs avis allemands de l’époque font état de ces condamnations.

Des habits et autres objets, notamment des carnets de correspondances, sont revenus du camp de Ravensbrück, réservé uniquement aux femmes. « Une femme résistante est une femme opprimée » rappelle gravement Catherine Lacour-Astol. En tout, huit mille ont connu cet « autre monde » dixit Germaine Tillion ; 1500 n’en sont pas revenues.

La reconnaissance de la place des femmes dans la Résistance est immédiate au sortir de la guerre avec l’entrée de six d’entre elles au sein des Compagnons de la Libération. Des milliers de médaillés de la Résistance sont également des femmes.

« Les résistantes furent les joueuses d’un terrible jeu » déclare André Malraux en 1975.

Entre ici Résistantes !

Gabriel Moser

Du 13 juin au 13 octobre 2024

Musée de l’Ordre et de la Libération, 129 rue de Grenelle, 75007 Paris.

Tous les jours de 10h00 à 18h00.