A plein nez
Son nom est déjà connu : Anne Millot est « la » sculptrice de nez par excellence. Si, toutefois, vous n’avez pas encore entendu parler de cette artiste lilloise, vous êtes sur le point de faire une découverte des plus singulières. En effet, la pratique artistique de celle-ci consiste à isoler des nez de leur visage originel, de les décliner en terre, en verre, ou encore en bois, et de redonner vie aux nez les plus notoires tout en donnant naissance aux fruits de son imagination.
Le sujet nasal peut paraître déconcertant. Pourtant, il s’est rapidement imposé à Anne comme une source d’inspiration au potentiel créatif inépuisable. En effet, celui-ci est fascinant d’un point de vue littéraire et artistique : le nez élongé de Cyrano de Bergerac renseigne sur la personnalité son propriétaire, tandis que les nez déformés de Picasso imprègnent de charisme les modèles de ses portraits. De plus, ce ne sont pas les yeux en amande ou les lèvres pulpeuses de Néfertiti et de Cléopâtre qui font encore fantasmer les hommes et jalouser les femmes au vingt-et-unième siècle – c’est leur petit nez parfait !
L’intérêt de l’artiste pour un organe trop souvent négligé dans la culture visuelle provient de ses études d’anatomie. C’est en modelant de petits visages que celle-ci se rend compte de la capacité narrative du nez. Tel que le démontre ses œuvres, le nez violemment fracturé d’un rugbyman ou impeccablement refait d’une actrice de cinéma, admiré indépendamment de son contexte original, peut peindre le portrait entier de son porteur à lui tout seul.
Débordante de créativité, Anne ne cesse d’expérimenter avec sa pratique, permettant à sa carrière d’évoluer au fil de ses découvertes. En 2017, elle produit une première sculpture de nez en verre rétroéclairé sur bois – une œuvre proposant un mariage de matières, de textures, et de couleurs d’une ingéniosité impressionnante. Toujours en 2017, l’artiste dévoile également sa première sculpture mobile – une œuvre vampirique se présentant sous la forme de deux nez mécaniques qui dans leur rotation se transforment en canines !
Ladite sculpture cinétique marque les esprits et permet à Anne de remporter le prix d’honneur lors du Concours International de Céramique produit par le Vallauris Institute of Art et organisé par le Musée Terra Rossa de Salernes. Cette consécration encourage l’artiste à approfondir ses recherches, si bien qu’une deuxième œuvre cinétique sur le thème de Méduse sera bientôt dévoilée au grand public.
Aujourd’hui, les nez d’Anne Millot voyagent sans cesse. En effet, ils ont déjà été exposés à Paris, Cannes, Lausanne, et Londres dans le cadre d’expositions personnelles, collectives, ou thématiques, par exemple autour du vin, du parfum, ou encore de la chirurgie. Prochainement, c’est à la Galerie Cyril Guernieri que les toutes dernières créations de l’artiste seront dévoilées à l’occasion de l’exposition pop-up « À plein nez », d’une durée de 48 heures seulement ! Alors, n’hésitez pas à y pointer le bout de votre nez…
Combien de nez ont vu le jour depuis le début de votre carrière d’artiste ?
À ce jour, j’ai réalisé 180 sculptures de nez. La majorité est en céramique, d’autres sont en bois. Les sculptures de nez sont essentiellement murales.
Chaque sculpture est unique et faite main, pourquoi ne faites-vous pratiquement jamais de séries ?
J’estime que chaque être humain est unique. J’ai pourtant une petite série de nez en porcelaine issus du même moule, mais que je façonne afin de les rendre tous différents. Pour cette armada de nez sur pied métallique, chaque sculpture de nez porte pour titre l’une des 50 expressions de la langue française autour du nez.
Le sujet de votre production artistique est à la fois fascinant et déconcertant, quelle était la réaction la plus marquante d’un admirateur ou d’un collectionneur face à vos sculptures ?
Plusieurs réactions m’ont marquée. La plus symbolique est celle d’un visiteur qui à la vue de mon travail a exprimé avec verve la fierté de la plastique de son nez… celle que son grand-père portait déjà !
Les créateurs de parfums, nez de leur métier, ont réagi très différemment face à la sculpture inspirée de leur nez, certains avec engouement, d’autres avec retenue.
Une dernière, celle d’un rhino plasticien qui m’a commandé plusieurs sculptures de nez s’approchant de la « norme » esthétique : l’occidentale, l’orientale… Ce fût un grand dilemme pour un résultat qui lui a plu.
Votre carrière s’est récemment tournée vers l’art cinétique, que pouvez-vous nous dire sur votre prochaine sculpture mobile ?
J’aimerais permettre à une sculpture en bois inspirée de La Méduse de pouvoir tourner sur son socle. Cette rotation lente permettrait aux multiples têtes de serpent qui entourent le visage criant de renforcer l’impression qu’elles jaillissent de la sculpture.
Vous allez bientôt vous produire en live à la Galerie Cyril Guernieri, à quoi pouvons-nous nous attendre lors de cette performance ?
La performance consiste à modeler en direct le nez d’une personne qui se portera volontaire. Une simple installation avec planche de bois, petite bassine d’eau, quelques ébauchoirs et une boule de terre permettent le modelage en direct. La séance dure environ une demi -heure. Le modèle pourra recevoir la sculpture de nez.
11 et 12 novembre 2018
Galerie Cyril Guernieri,
29 rue Mazarine
75006 Paris,
de 10 h 30 à 19h
Louis Denizet