« Un kimono, c’est pas juste un bout de tissu, c’est une arme de guerre » (Teddy Riner, double champion olympique de judo)
Le kimono – littéralement « ce qui se porte », « la chose que l’on porte sur soi » – colle à la peau nippone ; il incarne aux yeux des Japonais la culture et la sensibilité nationales. Pas seulement pour les combattants judokas, véritables dieux vivants en kim’, mais pour tout un peuple insulaire aux yeux bridés qui revendique ce tissu festif et pas seulement guerrier. Plus qu’un simple vêtement, le kimono est en effet considéré au Pays du Soleil Levant comme un fleuron national et un symbole du patrimoine. Il fait partie intégrante et intime de la vie nippone. C’est « un véritable trésor vivant ».
Il est au coeur d’une exposition sobrement intitulée Kimono, conçue par le Victoria and Albert Museum de Londres et présentée à Paris au Musée du Quai Branly. Au fil d’un parcours regroupant 200 kimonos et objets associés, dont certains sont exposés pour la première fois en France, l’exposition revient sur l’histoire d’une tenue emblématique, intimement liée à l’histoire du Japon, tout en dressant le portrait d’un vêtement résolument moderne, qui a su se réinventer et rebondir à travers les siècles et les continents. « L’essence de l’art, c’est la vérité se mettant elle-même à l’oeuvre » (Martin Heidegger)
Mettant en lumière son importance esthétique, historique, sociale et vestimentaire, l’exposition Kimono souligne le phénomène de mondialisation d’un habit fétiche et identitaire, trop longtemps perçu comme traditionnel et immuable, dont l’influence sur la mode contemporaine est majeure depuis le XVIIe siècle.« C’est un vêtement qui a une place unique dans l’histoire de la mode, car il est à la fois traditionnel et moderne. Chacun peut ainsi se l’approprier, il est consensuel et tout en élégance», explique Anna Jackson, responsable du département Asie du Museum Victoria and Albert de Londres et commissaire de l’exposition Kimono au Musée du Quai Branly.
Le parcours débute par une riche approche historique avec une profusion de modèles exposés derrière des vitrines de la mezzanine. La mode des kimonos s’épanouit au Japon durant l’ère Edo (1603-1868), période marquée par une stabilité politique, une croissance économique et une expansion urbaine. Kyoto devient le centre d’un artisanat de luxe du kimono et l’esprit créatif qui l’anime se conjugue au dynamisme commercial de sa voisine Osaka, faisant de cette région le berceau d’un style et d’un raffinement nouveaux. À l’orée du XVIIIe siècle, l’attention se déplace sur Edo, actuelle Tokyo, où règne « une bouillonnante culture entremêlant divertissements, glamour et érotisme, désignée sous l’appellation de ukiyo ou monde flottant », explique la commissaire d’exposition.
La dernière partie de l’exposition montre que depuis plus d’un demi-siècle, nombreux sont les stylistes étrangers (John Galliano, Alexander McQueen, Paul Poiret, etc.) qui s’inspirent du kimono : sa capacité à être déconstruit et restructuré, traduit ou modifié, en fait un fleuron incontournable de la mode à travers le monde. C’est à une véritable renaissance et métamorphose de cette tenue traditionnelle, fabriquée d’une seule pièce d’étoffe et coupée le moins possible, qu’assiste aujourd’hui le Japon, d’abord dans la rue, avec des kimonos anciens stylisés par les jeunes, puis avec l’émergence d’une nouvelle vague de créateurs qui se l’approprient de façon innovante et parfois subversive. Une élégante manière post-moderne d’immortaliser et de dévoiler le kimono dans tous ses états.
Christian Duteil
photos : copyright Emmanuel Leroux
Du 22 novembre 2022 au 28 mai 2023
Musée du quai Branly – Jacques Chirac. 37, quai Branly. 218 et 206, rue de l’université. 75007 Paris. (ouvert tous les jours sauf le lundi de 10h30 à 19h, nocturne jusqu’à 22h le jeudi).