Roubaix, ville éminemment prospère dans l’industrie textile jusqu’au 20e siècle, garde les vestiges de cet héritage au musée de La Manufacture. Réouvert en 2015 à l’initiative de la ville, « le musée de la mémoire et de la création textile » prend place dans une ancienne usine spécialisée dans le tissu d’ameublement.
Depuis le 1er février et ce jusqu’au 29 mars, La Manufacture laisse carte blanche à Lada Neoberdina et ses invités pour présenter son exposition Broderie, point de départ. Née en Russie en 1988, Lada s’installe en France pour ses études où elle est diplômée de l’École supérieure Beaux-Arts du Mans. Sa spécialité de designer de la ville la pousse à travailler dans l’espace public, ce qui donnera naissance aux Broderies Urbaines. Flottant dans l’air de la salle d’exposition grâce à des fils transparents, ces œuvres sur lesquelles l’artiste a volontairement laissé le tambour sont une sorte de vestige archéologique de la ville. On y trouve des mots brodés, peut-être entendus dans la rue, des capsules de bière et autres morceaux de plastiques découverts sur son chemin.
Pratiquer une technique telle que la broderie est une démarche très personnelle pour l’artiste, qui grandit dans cet univers auprès de ses babouchkas. Au début de l’exposition, Lada présente avec émotion une des vitrines regroupant des objets brodés par sa grand-mère Tamara, dont un petit couvre-chef avec lequel elle jouait enfant. Celui-ci porte les marques d’un objet ayant vécu avec Lada, mordillé, déchiré, usé, donnant lieu à une œuvre collective réalisée par sa grand-mère et elle-même.
L’artiste invite une vingtaine d’autres plasticiens et performeurs à se joindre à elle. Parmi eux, Nada Diane Fridi reprend des cartes postales de l’époque coloniale sur lesquelles posent de jeunes algériennes nues et leur brode des vêtements. Elle apporte couleur et dignité à ces jeunes filles ainsi émancipées de ces cartes postales sépia. Des performances prennent place à leur tour comme celle de Deneth Piumakshi Wedaarachchige qui utilise le corps comme support artistique. Elle réalise une série couture sur l’épiderme – la première peau qui ne ressent pas la douleur- de la main gauche, directement liée au cœur.
Au cœur de la salle d’exposition se trouve le bar à broder d’Erika Vaury, qui invite le spectateur à coudre des mots et des formes sur une petite poupée. Au même endroit un coin lecture regroupe une compilation des ouvrages ayant inspiré Lada Neoberdina dans sa production artistique. La manufacture se veut être un espace pédagogique et est notamment le temple du Gang des tricoteuses, une équipe de passionnées qui se retrouve chaque mardi à 15 heures pour un café tricot… alors mardi prochain, n’hésitez pas à passer !
Violette Engrand
Broderie, point de départ – Lada Neoberdina
Du 1er février au 29 mars
La Manufacture, musée de la mémoire et de la création textile
29 avenue Julien Lagache, 59100 Roubaix.