La Chapelle des Jésuites de Saint-Omer
De paisibles rues pavées, qui incitent à l’errance. Quelques pittoresques maisons de brique jaune, attenantes à de majestueux hôtels particuliers, que l’on dévore du regard. Un hôtel de ville charmant, qui renferme un superbe théâtre à l’italienne du XIX ème siècle. Et bien sûr la Chapelle des Jésuites, qui surplombe les environs dans sa verticalité monumentale.
A l’occasion de la réhabilitation de la Chapelle, la ville dévoile ses richesses patrimoniales.
Un lieu chargé d’histoire
L’histoire de Saint-Omer est étroitement liée à son passé religieux. À l’aube du Moyen Âge, la ville n’est encore qu’un promontoire de vingt-et-un mètres, cerné de terres marécageuses. Un évêque appelé Audomar, canonisé sous le nom de Saint Omer, fait assécher une partie des marais pour y bâtir en 650 l’abbaye de Saint Bertin. Son tissu urbain se développe, sa population s’accroît et le corps religieux entreprend une multitude chantiers : construction de deux églises, ajout d’un tour à l’abbaye…
Au XVIème siècle, les guerres de religions engendrées par une crise au sein du catholicisme déchirent le territoire. Saint-Omer devient le foyer de la Réforme Catholique. Elle accueille en conséquence de nombreuses communautés ecclésiastiques afin d’endiguer la diffusion du protestantisme. Les Jésuites réputés pour la qualité de leur enseignement, couplé à un apprentissage des arts et de la pratique sportive, s’imposent rapidement dans le paysage audomarois. La ville jouit alors d’une renommée sans précédent et devient le point d’orgue des rencontres et des échanges intellectuels.
Les Jésuites implantent un collège dès 1566 et font bâtir une chapelle associée en 1615. Le projet se révèle ambitieux et le résultat spectaculaire.
Un monument exceptionnel
Marqueur fort de l’identité culturelle de Saint-Omer par sa spécificité architecturale, elle témoigne des valeurs promulguées par les Jésuites et leurs architectes. La Chapelle s’inscrit donc dans une démarche d’adaptation à la culture locale et ne correspond à aucun modèle type. Son originalité réside dans la variété des influences, au croisement de l’architecture gothique flamboyant et du baroque.
L’extérieur allie brique rouge, éléments sculptés et pilastres qui dessinent un subtil quadrillage de pierre blanche. Elle n’est pas sans rappeler les plans des églises baroques de l’architecte italien Serlio. La façade centrale, constituée de quatre niveaux, fait usage de la superposition des ordres librement interprétés. Son portail bleu juxtapose têtes de lion, frises doriques et frontons brisés à volutes. L’intérieur reste quant à lui encore emprunt de l’esprit gothique : la voûte est supportée par des croisées d’ogives à liernes et tiercerons et l’élévation repose sur trois niveaux d’égale hauteur.
Les cadres et arcs à caissons entourés d’éléments dorés et de têtes de putti sont les seuls éléments baroques.
Une réhabilitation saisissante
La Chapelle des Jésuites de Saint-Omer a bénéficié d’une réhabilitation complète de 2013 à 2017. Une première phase de travaux, achevée en 2015, a permis la restauration de la toiture, des vitraux, de la façade et des murs extérieurs. Les briques et pilastres de pierre, de même que les décors sculptés ont été nettoyés, les maçonneries rejointes.
La seconde étape s’est concentrée sur l’ensemble architectural intérieur. Il s’agissait avant tout de préserver la monumentalité du lieu et son authenticité. La mise en valeur des intérieurs témoigne d’un véritable parti pris, aussi l’éblouissement peut-il succéder à la surprise à la vue de l’espace immaculé. Un badigeon blanc recouvre la pierre et propose une subtile mise en valeur des volumes rythmée par un jeu d’ombre et de lumière. Les dorures des encadrements rehaussent l’ensemble, et laissent entrevoir la finesse de la sculpture.
Un écrin pour la programmation culturelle
A l’issue des travaux, la Chapelle a dévoilé ses atouts et ambitionne de devenir le nouveau lieu de diffusion culturelle. Des aménagements discrets (points d’accroche, éclairage adapté, rideaux acoustiques) ont ainsi été prévu pour accueillir des expositions, des représentations théâtrales, des concerts…Le bal des réjouissances s’est ouvert sur l’exposition photographiques de Sasha Golberger intitulée Jesuits. L’artiste propose une relecture de l’histoire des Jésuites. Avec une équipe de costumiers, maquilleurs et coiffeurs, il réalise une série de portraits mettant en scène des adolescents du collège actuel, qu’il habille à la mode du XVIIIème siècle. A travers une posture ou un regard, le photographe capte l’état d’esprit des élèves d’alors, déchirés par le sacrifice qu’exige un bon enseignement et qui implique l’éloignement du foyer familial. Un travail original, unique en son genre et définitivement touchant.
La saison culturelle s’annonce pleine de promesses à Saint-Omer, avec un programme varié plein d’audace.
Chapelle des Jésuites rue du Lycée, 62500-Saint-Omer.
Jesuits, exposition gratuite visible jusqu’au 15 décembre, du mardi au dimanche de 14h à 18h.
A découvrir aussi : L’école des jésuites, de Saint-Omer à Washington au musée de l’hôtel Sandelin, 14 rue Carnot, 62500. Exposition jusqu’au 14 janvier 2018, du mercredi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h.
Lauréana Lebrun, étudiante en peinture et arts graphiques à l’IESA.