Charles Camoin, un fauve en liberté

Le Musée de Montmartre consacre une importante exposition au peintre Charles Camoin (1879-1965), qui avait jadis installé son atelier dans l’enceinte même du 12 rue Cortot, en 1908. Le parcours, à la fois chronologique et thématique, met l’accent sur la construction de ses œuvres, fondée sur l’harmonie colorée, qui témoigne d’une grande expressivité plastique et d’une forme de réalisme lyrique, dans la lignée du fauvisme.

Ses premières peintures étaient signées « Carlo ». Lorsqu’il réalise le portrait de sa mère, intitulé La mère de l’artiste sur le divan, en 1987, il modélise déjà l’intérieur de son appartement à l’aide d’une construction en aplats colorés.

L’artiste s’affirme rapidement comme « fauve », dans un contexte de création commune, exposant avec ses amis peintres au fameux Salon d’automne de 1905, où est présentée « la cage au fauve », surnom donné aux peintures flamboyantes d’Henri Matisse et de son entourage. « En tant que coloriste, j’ai toujours été et suis encore un fauve en liberté », disait lui-même l’artiste.

Lorsqu’il représente Madame Matisse faisant de la tapisserie (1910), sujet alors similaire à ses deux amis peintres, Albert Marquet et André Derain, l’attention qu’il accorde aux détails devient frappante. Le peintre utilise la représentation du kimono de Madame Matisse pour développer les potentialités décoratives du motif, créant un équilibre entre le fond et la figure, qui s’entremêlent. L’usage de cette perspective aplatie n’est pas sans rappeler les estampes japonaises, qu’il collectionne. La touche de Camoin réside « dans ses motifs, qui expriment ses exigences décoratives de la peinture », précise Assia Quesnel, co-commissaire de l’exposition et responsable des archives Camoin.

Peintre coloriste, Charles Camoin est sensible à cette tradition de la couleur et aux maîtres français du XIXe siècle tel que Fragonard. Sa série des Baigneuses occupe son œuvre dès 1912, jusqu’à la fin de sa vie. II réalise une série d’études d’après Le Greco, Cézanne et Rubens pour travailler ses compositions, intégrer la figure au paysage. Il était particulièrement influencé par Renoir, qui « lui a permis de sortir des formes très condensées, pour avoir plus de liberté dans sa manière de peindre », décrit la co-commissaire.

L’artiste a voyagé à plusieurs reprises en Méditerranée, il s’est notamment rendu à Naples grâce à son oncle travaillant dans la marine marchande. Grâce à ces voyages, il s’imprègne de la lumière méridionale, jouant sur les formes pour rendre l’ombre et les sensations lumineuses sur sa toile. Sa vue des Remorqueurs dans le port de Marseille (1907) est intéressante en ce qu’elle présente un jeu sur le quadrillage des mâts, encadrant un des aplats colorés rectangulaires. « Ses paysages fauves traduisent une expérience vécue », indique Assia Quesnel.

Après la Première Guerre mondiale, l’artiste partage sa vie entre Montmartre et Saint-Tropez. Qualifié de « fauve méditerranéen », Ses vues démontrent qu’il ne « s’agit pas d’une imitation du réel mais d’une confrontation, une lecture sensorielle du paysage qui rend la couleur et la matière », explique Assia Quesnel. « Les vues ne sont pas linéaire, il joue sur la quantité de matière sur sa toile », ajoute-t-elle.

Remarquée par les expressionnistes allemands, l’œuvre de Charles Camoin fut largement diffusée en Allemagne. Le musée de Montmartre rend aujourd’hui hommage à un fauve demeurant méconnu, par le biais d’une centaine de peintures et de dessins, soulignant l’attention particulière méritée par son œuvre.

Commissariat : Assia Quesnel et Saskia Ooms – Conseil scientifique : Claudine Grammont

Julie Goy

Du 11 mars au 11 septembre 2022

Musée de Montmartre, 12 rue Cortot 75018 Paris

Tous les jours sauf le mardi, de 10h – 18h (d’octobre à mars), de 10h – 19h (d’avril à septembre)