À l’occasion des portes ouvertes de son atelier de Belleville, l’artiste peintre française Charlotte Barrault revient sur son parcours, avec une certaine émotion, mêlée à la grande fierté de nous ouvrir les portes de cet atelier, qu’elle a tant voulu. Cela fait un an qu’elle l’occupe à plein temps, depuis qu’elle a décidé d’arrêter la médecine pour se consacrer pleinement à sa passion : la peinture. Retour sur le profil de cette artiste à la démarche sincère.
Charlotte Barrault a toujours peint. Depuis son plus jeune âge, entre diverses activités artistiques exercées, la peinture à l’huile est le médium qu’elle a élu. Depuis sa jeunesse, elle a fréquenté des ateliers et réalisé des stages de peinture. C’est une passion qui a murie pendant de longues années. Très jeune, c’est sans hésitation qu’elle décide des études qu’elle suivra : la médecine. Après avoir suivi une brillante scolarité dans un lycée parisien élitiste, c’est sans difficulté que Charlotte se lance dans la médecine. Mais la peinture est toujours très présente dans son esprit, bien plus qu’un simple loisir. L’activité artistique est très importante pour elle. Mais raisonnable, elle choisit de terminer ses études de médecine : la peinture ce sera pour après, me dit-elle. Médecin généraliste, elle s’épanouie au contact des gens, c’est ce qu’elle aime particulièrement dans son métier de médecin : le contact humain. Mais cela ne suffit pas, quelque chose manque à son plein épanouissement : la peinture, à laquelle elle ne peut consacrer que deux jours par semaine, manque à son quotidien.
Le projet d’un « après » avec la peinture a toujours été présent. Mais n’ayant pas fréquenté d’école d’art, Charlotte ne souhaite pas se lancer sans avoir une solide formation, par souci de légitimité probablement, avec encore certaines hésitations sûrement. Elle a toujours été douée en peinture, mais on ne lui a pas assez dit : elle avait besoin de ce mot juste, pour créer un déclic, pour se lancer. Ainsi, parallèlement à son activité de médecin, elle décide de suivre des cours. Elle organise son temps, prend des cours de peinture à l’atelier des Beaux-Arts de Paris. Elle souhaitait vraiment avoir cette formation, qui ne quitte pas son esprit aujourd’hui. La ligne, la forme, la matière, sont essentielles pour elle : elle refuse le risque de négliger son art, elle ne veut pas non plus qu’on lui reproche d’être autodidacte. C’est certainement aussi une réelle envie d’apprendre, qui la pousse à prendre ces cours de peinture. Elle y rencontre des peintres qui deviennent rapidement ses amies et apprécie ce temps qu’elle consacre à son art.
Puis, la maternité arrive dans sa vie : la volonté qui l’a toujours habitée, celle de faire un choix, prend tout son sens. Le contact avec les gens lui manquera peut-être, mais la médecine, malgré l’amour qu’elle porte à sa profession, l’empêche de s’épanouir pleinement, ce n’est pas assez. Charlotte Barrault aime avoir le temps : elle ne veut plus suffoquer. La peinture, la création, sont sa véritable passion : elle est heureuse de peindre. C’est pour cela qu’elle a choisi de se consacrer à son art : avoir le mode de vie d’une artiste, c’est ce à quoi elle aspire. Mais l’artiste a également des doutes : avec un marché de l’art exigeant, ce n’est pas évident d’être libre dans sa création : c’est un monde nouveau qui s’ouvre à Charlotte, un monde qu’elle pénètre avec une démarche réellement sincère.
La page blanche est une forme d’angoisse pour l’artiste, comme si elle devait quelque chose : là encore, cette forme de fragilité, traduit encore cette nécessité d’être authentique envers ceux qui vont regarder son œuvre : le travail ne lui fait pas peur, ce n’est pas l’oisiveté qu’elle recherche dans sa vie de peintre. Évacuer la médecine de son quotidien était seulement la meilleure façon pour l’artiste d’avoir le temps de s’accorder ces journées pages blanches, pour laisser pleinement mûrir son œuvre. Avoir le temps est l’essentiel, pouvoir apprécier chaque exposition comme une nouvelle découverte, une source d’inspiration.
L’artiste qu’elle est, a besoin de s’exprimer, elle poursuit un but personnel, et n’a rien à prouver. C’est la seule à peindre, dans son atelier parisien, qu’elle partage avec un scénariste et un metteur en scène. Le week-end porte ouverte au sein de son atelier, est un tournant dans sa création, c’est le début d’une évolution vers une démarche plus personnelle. Sa formation artistique, basée sur la peinture à l’huile, médium qui fait sa force, apparaît parallèlement comme une forme de blocage : elle ne connait pas les autres médiums. Bien qu’elle excelle en peinture à l’huile, elle souhaite s’ouvrir, pour mieux se découvrir, savoir ce qui lui correspond le mieux.
Charlotte réalise beaucoup de paysage : l’arbre est au cœur de sa création. Depuis 1 an qu’elle est dans l’atelier, elle a réalisé une vingtaine de tableaux. Elle a réalisé une série de vues d’ateliers, d’abord pour une exposition sur le thème « ailleurs » à laquelle finalement elle ne participera pas. Ce thème, l’ailleurs, lui permet de se rappeler les lieux qui l’ont marqué lors de sa formation artistique. On retrouve l’atelier Elzévir, dans la cour du marais, dans lequel elle a passé quinze ans. L’image de l’échelle de l’atelier, apparait comme une échappatoire vers la lumière : finalement, comme si c’était sa voie en tant que peintre à laquelle elle parvenait enfin, gravissant les échelons dans sa quête. Elle représente l’atelier de la grande chaumière, atelier mythique, où elle suit des cours de modèle vivant, dans cet atelier libre. Mais également l’atelier de François Legrand, à Orléans, où elle a réalisé des stages enrichissants. Les peintres de l’École d’Étampes, l’ont beaucoup influencée. C’est la rencontre avec Isabelle Duterre, coup de foudre amicale pour l’artiste, qui lui en a ouvert les portes. Sa rencontre avec Legrand, mais également avec Christoff Debusschere ont été déterminantes.
La voici, sa rencontre nécessaire, l’impulsion qu’il lui fallait, elle la trouve avec les peintres de l’École d’Étampes. Ce sont les peintres réunis autour de Philippe Lejeune, qui fut un élève de Maurice Denis : cela n’est pas surprenant lorsqu’on observe le travail de Charlotte. Tout de suite, on retrouve l’esprit Nabis qui l’intéresse. Le Talisman de Paul Sérusier, qu’elle a vu à Pont-Aven, imprègne fortement son esprit, elle qui est si sensible à la nature et à la lumière. Ce rapport à la nature, elle l’a toujours développé, notamment en Dordogne, où sa famille possède une résidence : c’est un lieu important d’inspiration pour l’artiste, réservoir d’arbres et de couleurs qui irriguent ses tableaux.
La lumière, elle l’apprécie vraiment beaucoup : elle est omniprésente dans sa création. Mais aujourd’hui, dans une période de transition, c’est aussi le symbolisme de Redon qui l’inspire beaucoup. Les gammes de couleurs évanescentes de l’artiste sont une source merveilleuse pour Charlotte, qui souhaite aller vers quelque chose de, peut-être plus abstrait, quelque chose de moins académique, de plus poussé vers ce qu’elle veut démontrer. Elle aime Vallotton, Rembrandt également ; elle apprécie beaucoup le travail de l’artiste contemporain Éric Bourguignon : c’est l’expression qui compte pour Charlotte, son amour des matières, l’émotion de la lumière et des couleurs.
Elle ne prépare pas ses œuvres à l’aide de croquis dessinés, mais avec ce qu’on pourrait appeler des croquis photographiques : quand ce n’est pas d’après nature, c’est d’après les photos qu’elle affectionne, que l’artiste travaille ses œuvres. Elle travaille directement sur la toile. Parfois même, souvent, elle effectue des reprises d’anciens tableaux, qui ne lui conviennent plus : elle réemploie la matière préalablement travaillée, pour faire renaître une œuvre nouvelle. Elle adore aussi faire des portraits, mais il n’y a pas assez d’évasion pour que ce sujet prédomine dans sa création. Mais elle affectionne le scolaire, l’exercice lui plait, il y a une véritable satisfaction lorsqu’elle réalise un portrait. Les détails y sont importants. Elle ne réalise pas de commandes, seulement des portraits demandés par des amis. Elle nous l’a confié, elle recherche une évolution artistique, et souhaite la faire tendre vers l’abstraction. On peut le remarquer dans son oeuvre Cordoue, Pont fin de journée. Elle cherche à travers les photographies qu’elle réalise et exploite comme inspiration, la source vers une abstraction. Ses propres photos, ses croquis photographiques, c’est une autre façon de croquer, celle qui lui convient le mieux. Son évolution artiste, entre technique et sujet, elle y travaille tout au long de la semaine ; les fins de matinée et d’après-midi sont les moments propices de sa création.
Lors d’une émission de peinture À vos pinceaux, on a cherché à lui faire dire quel est le sujet qu’elle exprimait dans ses œuvres : mais c’est l’émotion pure de la couleur, de la forme et de la lumière qu’elle souhaite transcrire, sans rechercher absolument de créer un sujet : c’est là toute sa sincérité, elle ne recherche aucun artifice dans sa création.
Elle a participé au Salon d’automne de 2013 à 2018 et a obtenu en 2014 le prix Taylor. Exposer au sein de la Galerie Schwab l’intéresserai ; un artiste qui l’émeut aux l’armes y a exposé : Safet Zec. Elle a peint un tableau de l’atelier de l’artiste, intitulé Au Bord d’une place : Calle San Francisco, vers 2015. Même dans cette œuvre, l’idée de l’arbre semble encore récurrente, même dans la ville : l’artiste reste toujours fidèle à ses aspirations. Sur son site internet, il est possible de retrouver ses réalisations, dans différents registres, pour découvrir l’étendue de son travail, qui s’étend jusqu’à l’autre bout du globe. Son travail au Japon, présente une œuvre coup de cœur, intitulée Koya San. Celle-ci nous offre une vue paisible d’intérieur japonais, qui semble offrir une synthèse de son œuvre : on y retrouve l’importance des arbres, des jeux de lumières et des lignes, dans une composition structurée et douce à la fois, qui nous laisse à la méditation, dans cet espace calme, hors du temps.
S’attachant à ses sources d’inspirations personnelles, ses rencontres et voyages, l’artiste s’efforce de nous transmettre ses émotions. Capter la lumière et tracer d’harmonieuses lignes, tout en recherchant la belle couleur dans ses compositions, sont les moyens qu’elle emploie. Cette artiste authentique est absolument à découvrir, nous rappelant que choisir une formation scolaire pour appréhender l’art n’est en rien péjoratif, bien au contrait ; c’est un socle solide qui, pour se réinventer, a besoin de faire corps avec l’esprit de l’artiste. Matérialisé par le pinceau de l’artiste, cette synthèse créative prend vie chez Charlotte Barrault, pour le plus grand plaisir de nos sens.
Julie Goy
Prochaine exposition à Tokyo avec le Salon d’Automne