Laissez-vous embarquer dans un monde pictural surréaliste qui raconte l’Exode de Moïse au travers de la vision psychanalytique de Freud …
Qu’en est-il de cette étonnante association ?
En 1939, au sein d’une Europe fasciste dans un climat d’avant-guerre où monte l’antisémitisme, Freud publie un de ses derniers ouvrages avant sa mort, L’Homme Moïse et la religion monothéiste dont l’accueil fut très controversé.
Pourtant, Orsten Groom, de confession juive, est intrigué par cet ouvrage qui, nous explique-t-il, nous rapporte que « Moïse n’était pas juif mais un émule égyptien d’Akhenaton, que les juifs ont assassiné après leur sortie d’Égypte pour le remplacer par un double » …
Voilà qu’après avoir traversé un vide artistique, l’artiste a retrouvé son inspiration dans l’intérêt qu’il a porté au grand récit biblique : La traversée du désert. Ce sont ses réflexions qui l’ont poussé à enquêter sur ce mythe réinterprété par le fondateur de la psychanalyse.
Orsten Groom est plein d’esprit, de références d’une richesse inouï avec un bagage culturel impressionnant. Français, né en Guyane de parents russo-polonais, son œuvre foisonne d’humanisme. La genèse de son travail passe par une recherche multiple sous forme d’enquête et de cette enquête germent des mots, une histoire, des mythes, des coïncidences, des étonnements. A travers son œuvre, nous observons son attachement à l’écriture. Au commencement, il y a le verbe, son art est régi par la grammaire.
Tout son processus créatif se construit grâce à cette accumulation de découvertes. Ici, l’art est l’autorité et connait déjà tout !
En effet, pour Orsten Groom, la peinture est le berceau de la mémoire, elle raconte le monde, l’inoubliable, elle transporte l’histoire. Dans une démarche désidéologisée, la production de cet artiste est comme une mesure de rétorsion face aux iconoclastes. Dans notre société où la critique n’a plus vraiment sa place, où la liberté de parole s’effrite et où la guerre des images ressurgie, nous pouvons dire que c’est une belle revanche !
C’est dans sa récente série Chrome Dinette constituée de 17 tableaux grand format (160×215 cm) et d’un portrait, que cet artiste radical nous dévoile le fruit de ses investigations par un artifice de couleurs saturées qui inspire le délire. Son éclipse créative l’aura mené à cette période extrêmement prolixe : c’est en seulement 1 mois qu’il a réalisé ces 18 peintures.
Il se base sur deux principes pour effectuer ses tableaux aux multiples fondements : les lois du bas-relief égyptien avec ses figures nettes et ses supports plats, et la définition que donne Freud sur l’hallucination « nous hallucinons quand tout est trop net, quand nous voyons tout à égalité ». Nous voilà interpellés par l’esprit rebelle assumé qui émane de ces tableaux !
Nous pourrions croire que ces coups de pinceaux sont grossiers, que les dégoulinures sont des projections désordonnées mais détrompez-vous, une enquête n’amène jamais à des résultats hasardeux ! Orsten Groom effectue des traits lents, précis où rien n’est anodin et tout est réfléchi.
C’est là toute la complexité de l’exposition, il faut avoir un guide pour saisir toute son ambivalence.
Orsten Groom est notre Virgile. L’atmosphère apocalyptique que l’artiste ressent vis-à-vis de l’histoire qu’il analyse est parfaitement retranscrite dans cet enchevêtrement de signes et de références, dans ce mélange assuré de teintes primaires qui nous évoque l’angoisse et la peur. Ici règne le monde vivant juste avant l’implosion. Nous n’en sortons pas intacts, et ce voyage de l’ancien testament à la mort de Freud nous questionne.
Entre Histoire, mythes et jeux de mots, le peintre nous dresse une sorte de composition secrète avec, comme base de chacun des tableaux, le salon viennois du grand psychanalyste.
Vous pouvez, sans crainte faire ce périple qui part d’un long désert pour vous conduire à un torrent créatif. Le retour d’Orsten Groom à la peinture est plein d’assurance.
Mathilde Nicot
photos : Véronique Spahis
Du 1er avril au 10 mai 2021
Vous pouvez contacter l’artiste par mail : bureau@orstengroom.com
Lien vers le site internet d’Orsten Groom : https://www.orstengroom.com/