A l’époque où les femmes combattaient en tournoi
« Pendant ce temps, Clorinde, la lance au poing, avait assailli Tancrède; tous deux se frappent à la visière, leurs armes brisées volent en éclat. Clorinde reste la tête nue, car, d’un seul coup, Tancrède coupe les lacs de son armet, et ses cheveux dorés, épars au vent, montrent une jeune fille au milieu des batailles. Son regard foudroie, ses yeux étincellent ; ils sont doux dans la colère, que seraient-ils dans le sourire? Tancrède, à quoi penses-tu? que regardes-tu? ne reconnais-tu pas ce gracieux visage pour lequel tu brûles ? C’est le même que tu vis autrefois, rafraîchissant son front auprès d’une fontaine solitaire. »
Cet épisode du chant III de la Jérusalem délivrée du Tasse a enchanté des générations de lecteurs, depuis la première traduction française de l’ouvrage italien La Gerusalemme liberata (1581) par Blaise de Vigenère en 1610. Les peintres et les musiciens ont aussi interprété à leur tour cette intrigue étonnante. Le peintre Ambroise Dubois (1543-1614) exécuta pour Marie de Médicis une série de huit toiles monumentales dont six se trouvent encore au château de Fontainebleau. Du côté de l’Opéra, mentionnons seulement Il Combattimento di Clorinda e Tancredi de Monteverdi, représenté pour la première fois au Carnaval de Venise en 1624 et Tancrède de Campra (1702).
Imaginez une valeureuse guerrière infidèle défendant Jérusalem la lance à la main face à l’homme qu’elle aime, le prince chrétien Tancrède. Ce héros avait un modèle historique, un sicilien d’origine normande, Tancrède de Hauteville. Les modèles de Clorinde, eux sont littéraires, Marphise et Bradamante de l’Arioste poursuivent une tradition belliqueuse que le roman de chevalerie humaniste avait emprunté à L’Enéide Virgile. Le poète latin avait imaginé au premier siècle Camille, l’intrépide reine des Volsques. Vous croyiez donc que Xéna la guerrière était un fantasme moderne ? Erreur…
Pour revenir aux amours de Clorinde et de Tancrède, elles se déroulent lors du siège de Jérusalem, pendant la première croisade dirigée par Godefroy de Bouillon. Clorinde, la belle aventurière sarrasine, a proposé ses services à Aladin pour l’aider à défendre Jérusalem contre les assaillants francs. Tancrède, l’un des seigneurs croisé est tombé amoureux d’elle en la voyant baigner son front dans une source. Sa naissance est mystérieuse et ses vertus sont multiples : généreuse, habile stratège, duelliste hors pair, elle n’a d’égal que son adversaire, qu’elle croise à plusieurs reprises, jusqu’à une fin que je ne dévoilerai pas.
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Marie Isaure, agrégée de lettres