Cités millénaires
Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul
Alep, Palmyre, Mossoul, Leptis Magna.
C’est une exposition-immersion. Son but n’est pas de nous émouvoir.
Pourtant c’est un crève-cœur que de voir, encore plus de revoir, ces lieux autrefois grouillant de vie, de la vie ordinaire des petits marchands du souk d’Alep, de la vie paisible des croyants se rendant pour la prière du vendredi à la mosquée des Omayades, de la vie joyeuse des étudiants dans le quartier de la citadelle ou la vie silencieuse, quasi recueillie des voyageurs déambulant entre les colonnes de Palmyre.
C’est un déchirement pour qui a traîné ses guêtres en ces lieux autrefois vivant, aujourd’hui détruits (même si, à Palmyre, le temps n’avait pas attendu Daesh et avait déjà fait une partie du job. ) que de voir ces images virtuelles quelque peu désincarnées ne jamais prendre le temps de s’arrêter
fut-ce un instant. Sans cesse en mouvement ces images virtuelles, ces images virtuoses montrent dans une sorte de hâte l’immobilité et le silence des ruines. Celles du temple de Bel et celles de Baalshamin, celles de Notre Dame de l’Heure à Mossoul, celles du théâtre romain de Leptis Magna, celles du souk d’Alep où la caméra zoome avant à toute vitesse.
Elles sont superbes ces images. Elles glissent, elles filent, elles planent, elles surfent, elles volent, elles survolent, elles nous montrent ce que seuls les oiseaux ont pu voir mais pas nous.
Géantes, mouvantes, elles jouent du fondu-enchaîné , de la superposition, de la transparence et de l’incrustation d’images fantômes de reconstruits à venir pour nous donner à comprendre l’étendue des dégâts et l’ampleur du projet.
Un projet piloté par l’ALIPH avec le soutien de l’IMA et l’enthousiasme de son président Jack Lang et aussi le concours actif de l’UNESCO ainsi que de diverses ONG.
Projet d’autant plus vaste que d’autres sites que les quatre présentés à l’IMA ne sont pas les seuls à retenir l’attention de l’ALIPH.
Protéger et si ce n’est pas possible, s’il est trop tard, reconstruire, relever les ruines, redonner vie.
Grâce à la qualité des images d’ICONEM, on voit en grand et de près la folie des hommes mais aussi la beauté des architectures, des lieux de cultes, des palais ou des mausolées qu’ils ont laissé debout.
On prend conscience de l’aide que ces images apporteront aux reconstructeurs.
Les images-fantômes qu’ont calculées les ordinateurs, en venant se superposer, remplacer ou prolonger les architraves, les arcatures, les ogives et les piliers manquant nous parlent de l’avenir mais ne nous disent rien du feulement du vent dans les ruines de Palmyre, rien des cris des marchands du souk d’Alep, rien du son d’un bouzouki échappé d’une échoppe, rien de l’ombre ni de la lumière des rues étroites, rien de la fragrance des épices, et presque rien de la magnificence passée des villes du Moyen-Orient d’avant l’Islam et de l’âge d’or de celui-ci.
C’est l’écrit, entre deux déferlantes d’images, qui en rend compte. Quelques très beaux textes manuscrits sur quelques murs. Des textes d’Abu l-‘Ala’ al Mu’Arri, d’Ibn Battûta au XIVèmme siècle, d’autres plus tardifs de Volney en 1787, d’Eugène Flandrin également au XVIIIème siècle, enfin de nos jours, un texte signé Adonis.
Une exposition-immersion d’images rêvées avec les moyens du futur afin de donner au passé une chance de plus d’avoir un avenir.
Jusqu’au 10 février 2019
Institut du Monde Arabe
1 Rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris
Du mardi au vendredi de 10h à 19h (dernière entrée aux expositions et au musée à 17h15), et le week-end de 10h à 20h (dernière entrée aux expositions et au musée à 18h15)
Pierre Vauconsant