« Transport Commun » ouvre le second volet de son exposition diptyque, composée des œuvres de 14 artistes, lauréats de l’appel à projets lancé par le mécénat artistique de la Société Générale.
Marie-Ann Yemsi, commissaire engagée de cette carte blanche annuelle, fait dialoguer ces nouveaux travaux, en miroir avec les œuvres emblématiques de la collection d’art Société Générale.
L’attente. Bilal Hamdad explore l’entre deux, le glissement du secret à la divulgation, de l’intime au partage, de l’invisible au public. L’ouverture sur la lumière de la perspective devient le marqueur du passage de l’intérieur vers l’extérieur. La banalité du lieu est transfigurée par la présence d’un personnage qui singularise l’instant. Figé, il incarne le rythme perpétuel de la routine, l’attente, un instantané de notre époque, continuité et transitoire à la fois. « L’attente » est un travail à l’huile qui rappelle la mélancolie chez Edward Hopper, maitre du réalisme américain.
L’œuvre fait écho au travail accompli de François-Xavier Gbré, photographe de l’historiographie africaine, prônant l’architecture comme témoignage social. Gbré réalise un travail de mémoire et archive des espaces oubliés. Issu de l’immigration, métis, il se rapproche de destins nomades, dans un perpétuel entre-deux. Ses photographies témoignent du passage des hommes, de leur vécu. Cette installation montre ici la ville de Bamako défigurée par des ajouts architecturaux payés par des fonds nord-coréens à consonnance soviétique. Une partie de l’habitat traditionnel de la capitale du Mali a été littéralement détruit. La cellule photographique de FXG immortalise cet instant d’avant devenu néant. Hamdad/ Gbré, ça fonctionne.
Prosper !
Qu’il est bon de rencontrer un artiste en chair et en os dans un lieu aussi institutionnel. Prosper Legault, ancien de l’école Boulle, diplômé des Beaux-Arts de Paris (comme tout le monde ici) est le cofondateur de l’espace culturel « la Volonté 93 ». Avec une inventivité critique redoutable, Prosper juxtapose les fragments urbains et les dote d’une signification inédite. « Je te fais marché – de l’art contemporain » pose un regard poétique, humoristique voir sarcastique et désabusé sur l’environnement immédiat et sur les nouveaux modes de vie contemporains. Ici tout est de la récup’ même s’il n’aime pas ce terme. Pour qu’une œuvre soit efficace, il la faut tendre et poétique. N’est-ce pas le sort de cet épi de pain sorti droit d’une ancienne boulangerie, juxtaposé de néons tous témoins d’une vraie vie. Celle d’autrefois. On reconnait le H d’un Hippopotamus et le M plus torturé, conjonction distordue d’un McDonald en souffrance. Prosper et son couvre-chef rappellent aimablement, tranquillement le bon gout de la société de consommation qui nous hante à chaque coin de rue.
Son travail converse avec celui de l’immense Otobong Nkanga. La plasticienne et performeuse nigériane interroge la notion de territoire et la valeur accordée aux ressources naturelles. La dimension performative s’imprègne de multi… média et génère toutes sortes d’œuvres (peinture, dessin, photo, sculpture, installation et vidéo), connectées aux thèmes du paysage et de l’architecture.
Il y a encore 12 autres artistes avec leurs récits à découvrir parmi ce parcours dialogué. Allez voir le travail d’Elsa & Johanna donnant la réplique à celui de Justin Weiler, autre conversation visuelle enregistrée dans cet espace polyphonique où germent des utopies fertiles et s’échafaude avec les artistes, la possibilité d’une « commune présence » reprenant les mots de René Char.
Le partage au cœur de la Collection
Eclectisme. Le parti pris est celui de la diversité de thèmes, d’artistes et de techniques de création. Elle associe travaux d’artistes à la renommée confirmée et d’œuvres issues de la jeune création autour de la peinture majoritairement abstraite (Soulages, Alechinsky, Zao Wou-Ki, Nemours), de la sculpture (Wand Du, Othoniel) et de la photographie (liu boli, Bublex…) parmi les 570 œuvres originales et 750 lithographies, éditions et sérigraphies dessins.
Nouvelle création.
L’acquisition d’œuvres comme celles de Lucie Picandet (Prix Drawing Now 2019) ou de Pablo Tomek est la preuve de cette politique d’acquisition audacieuse. Le mécénat artistique Société Générale a assisté son soutien aux artistes émergents en lançant cet appel à projet autour de la thématique « habiter le monde », aboutissant à la sélection de ces 14 artistes qui ont remporté la somme de 5000€ chacun en dotation, parmi 150 candidats, leur permettant de rejoindre la collection Société générale et son rayonnement. L’indiscipline de ces nouveaux résidents atteste alors d’une volonté commune de puiser dans l’écheveau des sources du réel pour imaginer d’autres manières d’habiter ensemble le monde.
Soutien sans frontière, ancrage territorial et dialogue.
Les filiales de la Société Générale partagent une ouverture notable sur la création de demain. Le Swiss Emerging Artist Prize, créé par Société Générale private banking Suisse récompense tous les 2 ans un artiste de 35 ans ou plus ayant suivi une démarche artistique cohérente et originale. Kleinwort Hambros Emerging Artist soutient les talents émergents dans le domaine de l’art contemporain au Royaume Uni. Le fil rouge proposé au centre de chacun des évènements de la collection parisienne est naturellement le dialogue, interprété récemment par la pop culture des Comics, la BD, les références de l’art abstrait
Médiation & dialogue.
La Défense est une ville. Les deux tours de la Société Générale, un quartier à part entière avec des collaborateurs et visiteurs de tout poil. Peu ou prou d’entre eux appartenant à ce va et vient quotidien de white collar au boulot ne profitait jusqu’alors de la collection confinée dans ses salons feutrés, change management ou pas. Aujourd’hui, on constate une volonté d’intégrer la collection dans l’univers des 25 000 collaborateurs avec une proposition de visites appelée « family day » organisées à la demande. 5000 personnes seulement en provenance de l’extérieur ont pu bénéficier de la singularité de cette collection, notamment grâce aux parcours « Découvertes », à certaines expositions thématiques et leurs livres d’or, à l’appli « Société Générale Art », au nouveau site internet très agile. C’est encore peu. Il y a du travail pour que la 3eme banque française et 18eme mondiale se lance dans une médiation populaire d’envergure
Celle collection très institutionnelle et fort belle de surcroit prendrait elle des risques en allant puiser la création contemporaine ailleurs qu’aux Beaux-Arts de Paris ? Ne pourrait-elle pas organiser des portes ouvertes plus souvent, plus « ouvertes » ? Irait-elle à la conquête de nouveaux publics ? Ce sont toutes ces questions qu’une démocratie en bonne santé se pose, démocratie qui salue l’aide à la création, passerelle de liberté sans équivoque.
Philippe de Boucaud
Du 11 octobre 2021 au 15 avril 2022
Transport commun, volet 2 – Tours Société Générale La Défense
Accès principal via les Tours Alicante & Chassagne 17 cours Valmy – Paris La Défense 7