Dans le cadre de l’exposition Coming Soon du 29 février au 12 mai, une trentaine d’artistes (portés par le groupe Lafayette Anticipations) étudient sous toutes les coutures comment synthétiser notre relation avec le futur, tout en faisant transparaitre nos inquiétudes à son sujet.
Prises par le prisme de leur capacité d’écrire des avenirs communs, ces œuvres d’art contemporaines et historiques sont déployées sur les trois étages de la galerie de Lafayette Anticipations. Elles se focalisent sur comment les communautés perçoivent l’avenir, ce qui ressort de notre présent et qui potentiellement rejaillira sur le futur. Coming Soon est une exposition collective segmentée en parcours thématiques débutant par La sagesse de l’oracle puis d’une partie Déchiffrer l’inconnu, suivie de Voir venir, puis de L’épreuve du temps, Habiter le futur, Prévenir l’avenir, Echappées etfinalement Admettre.
L’exposition débute par des objets d’art censés nous aider à appréhender le futur, dont une Stèle à oreille dédiée par Louny à Ptah datant entre 1550-1069 av. J.C. Ptah, l’un des dieux les plus important du panthéon égyptien, est surnommé « celui qui écoute les prières » et joue le rôle de prélude à Coming Soon. Plusieurs objets oracles sont exposés qui témoignent du désir de l’homme de tenter de contrôler l’inconnu. De la plante « bioindicatrice » de fertilité des sols aux araignées capables de parler avec les morts pour révéler des vérités, La sagesse de l’oracle impressionne par sa richesse et sa diversité de mediums. C’est Déchiffrer l’inconnu qui prend la suite en mettant en lumière les questions qui taraudent l’Homme depuis des millénaires et comment des stratégies, et même des enseignements ont été mis en place pour y remédier. On se trouve donc à déchiffrer des tablettes à usage pédagogique datant du IIe millénaire av. J.C expliquant comment lire les entrailles d’un mouton sacrifié et à s’émerveiller devant la beauté de l’oracle de Lisa Signori, qui pense que chaque époque devrait avoir son propre oracle.
On plonge de plus en plus dans le surprenant avec des œuvres prophétiques avec des extraits des Simpson dont les personnages ont réussi à prédire plus d’une vingtaine d’événements. Les plus troublantes sont les tableaux géométriques d’Emma Kuns, guérisseuse et peintre suisse qui aurait prédit la création de la bombe atomique ainsi que les photographies de Heji Shin, précursseuses de la guerre en Ukraine. On est pris de vertige face à ces œuvres qui ont su être le miroir en avance de notre société, comme la vidéo de Neil Beloufa datant de 2014 qui parle d’une pandémie mondiale où il faudrait porter des masques et qui se transmettrait par la toux.
On ressent de l’inquiétude et du pessimisme qui s’infiltre dans les œuvres qui se font plus critiques dans la quatrième partie L’œuvre du temps. Les artistes rappellent qu’il faut avoir une bonne compréhension du présent pour pouvoir imaginer un futur. Compréhension qui peut être mise en danger par des secrets comme le démontre Mural for America, une création de Sung Tieu qui, sur chaque plaquette écrit les composants chimiques utilisés par les entreprises de fracturation et surtout que ces dernières sont obligées de déclarer au public. Mais beaucoup de ces plaquettes ont à la place d’un nom le mot « confidentiel » d’écrit ce qui souligne les dangers des secrets du présent.
Habiter le futur se focalise sur les inégalités entre les communautés à pouvoir construire un futur comme l’artiste Christine Sun Kim qui a dessiné le mot futur en langue des signes américaine. Cela pose la question de la tonalité donnée à ce futur qui dépend entièrement de la personne qui le signe. Une autre installation poignante serait les bateaux croisières en maquettes de Nina Beir, lestés de sucre et de sable porteur du message que c’est en découvrant le monde qu’on le détruit. Le rappel aux inégalités de monde est renforcé par des projets artistiques puisant dans les souvenirs de leurs créateurs comme Entryways de Diamond Stingily. On fait face à une mise en place sobre d’une porte avec une batte de baseball devant. Cette dernière, symbole de la culture sportive américaine est en réalité un moyen de se défendre et surtout un message d’avertissement sur le fait que la non-« violence est un privilège » et qu’il faut se préparer pour affronter un avenir imprévisible. Stéphanie Brossard fait elle aussi de ses souvenirs intimes une création intelligible sous la forme d’une baignoire qui se remplit d’eau quand des cyclones se déchaînent dans le monde en temps réel. Face à elle se dresse un écran qui donne des précisions sur le cyclone. L’inspiration vient de la mère de l’artiste qui, à l’approche d’intempéries (qui est le nom de la pièce) remplissait la baignoire d’eau au cas où il n’y en aurait plus pour les jours à venir. Cette installation permet aussi de réfléchir à notre rapport au présent, nous qui attendons que la baignoire se remplisse, alors que ce changement d’état est synonyme de destruction et de remise en question de futur dans une autre partie du monde.
Une alternative à penser le futur est de se transférer dans une autre réalité comme le proposent les artistes de la sixième partie Echappées. Et tout particulièrement comment on créerai notre monde si nous avions totalement le contrôle, question soulevée par le film Reality or not qui a permis à l’artiste Cécile B. Evans d’échanger avec une classe de lycéennes de Seine St Denis pour mettre en image leur vision du monde idéal à travers de superbes visuels pop et des rencontres étonnantes avec des personnages qui essayent d’aller à l’encontre de la doxa.
La dernière partie Admettre est une performance live de l’artiste Bridget Polk qui fait du « rock balancing » qui consiste à créer des structures impressionnantes faites de pierre et de débris sans colle ni liant. Bridget Polk écoute les pierres quand elle les met en place dans un état méditatif. Elle à admis que ses créations ne dureraient peut-être pas plus de cinq minutes mais « tel Sisyphe » elle continue de les produire.
Coming Soon est une exposition qui plaira au plus grand nombre par sa pluralité des médiums présents et la question de comment pressentir le futur est abordée de manières si inédite. Mais on ne peut s’empêcher de penser que si l’art est un médium privilégié pour mieux comprendre notre présent, cela voudrait-il dire que si on l’écoutait plus on pourrait prédire entièrement notre futur ?
Clara Alle
Du 29 février au 12 mai 2024
Coming Soon, En attendant demain
Lafayette Anticipations, 9 rue du Plâtre, 75004 Paris
Ouvert tous les jours de 11h à 19h sauf le mardi, nocturnes le jeudi de 11h à 21h – entrée libre