Dada Africa, Sources et influences extra-occidentales
Le bouleversement de la Grande Guerre a alimenté le terreau de l’avant-garde. Dans cette période de violence, de destruction et de traumatismes, les artistes aspirent à un renouveau créatif, qui passe par un rejet des valeurs établies.
En résulte alors, entre autres, la naissance du mouvement Dada à Zurich en 1916. Sa conception de l’Art amorce une fracture définitive avec celle du siècle dernier. Les dadaïstes revendiquent un esprit impertinent et libre. Ils militent pour une création extravagante, qui déconcerte par ses traits d’humour et sa dérision. Son originalité résulte également dans sa curiosité envers les cultures extra-occidentales, qui influencent nettement sa production artistique. Les dadaïstes, portés par un système de réévaluation des autres formes de pensées et de création, vont dès lors s’approprier les codes d’un art radicalement différent.
L’exposition confronte des œuvres africaines, asiatiques ou amérindiennes à la production Dada, mettant en lumière les processus d’échange et d’influence.
Nouveaux rapports à l’art ethnique
La période comprise entre 1915 et 1925 marque un changement radical dans la perception des arts dits « nègres ». Longtemps considérés comme le fait de sociétés primitives et dénigrées, des écrivains, artistes ou anthropologues s’attacheront à souligner l’intérêt technique et artistique de ces objets. Les dadaïstes perçoivent dans les traits anguleux ou les formes élancées des statues une aura exotique et étrange, qu’ils tentent de retranscrire dans leur peintures, sculptures et performances. Les collections ethnographiques de Zurich fournissent un répertoire infini de connaissances, d’idées et de formes. Les marchands et collectionneurs jouent également un rôle déterminant dans cette nouvelle conception des « arts nègres ».
Est ainsi présentée pour la toute première fois, à la Galerie Corray en 1917 une exposition mêlant productions dadaïstes et africaines. Point de hiérarchie entre les deux arts, les œuvres dialoguent sans distinction. La figure du grand galeriste Paul Guillaume est mise en avant, ainsi que l’importance de sa collection africaine qui alimenta en partie cette première exposition dadaïste suisse.
Effervescence créatrice
Les débuts retentissants du mouvement lui permettent de s’implanter dans de nombreuses villes européennes. La fièvre dada étreint Berlin, Barcelone et aux États-Unis, New York. Émergent alors de la scène artistique des figures telles que George Grosz, Sophie Taeuber-Arp, Marcel Duchamp ou Stieglitz, qui dédie une galerie aux arts de l’Afrique dans les années 1910.
Les artistes expérimentent alors et multiplient les formes d’expression. On découvre en littérature des poèmes inspirés de textes africains ou océaniens. La composition est syncopée, rythmée par un jeu de phonétique et d’onomatopées. Les sujets des dessins et tableaux prennent l’apparence d’idoles africaines. La palette de couleurs se réduit à des monochromes de noir, ocre ou brun. La profondeur est absente.
On voit également apparaître des créations textiles, tableaux tissés à la manière des tentures traditionnelles. Les ornements constitués d’aplats de couleurs franches imitent le graphisme géométrique africain. La mode s’empare elle aussi des codes ethniques pour réaliser des sacs et des bijoux.
Autour du Cabaret Voltaire à Zurich se développe les performances théâtrales dadaïstes. Inspirées des rituels océaniens et africains, ils mêlent danse, cris, chants, orchestre et cabrioles. Ces représentations donnent lieu à la conception de costumes et masques monumentaux. Constitués de collages en papier, tissus et plantes séchées, ces accessoires fragiles ont peu résisté à l’attaque du temps.
Post-Dada
Le dadaïsme cède peu à peu sa place au courant de pensée surréaliste. En 1924, les artistes dada proclament leur adhésion au mouvement mené par André Breton. Axé sur l’innovation littéraire, le surréalisme élargit progressivement ses intérêts créatifs. Ses thèmes principaux portent sur l’exploration du rêve et de l’inconscient. Ils conservent cependant une idée renouvelée de la création où les œuvres « primitives » sont réévaluées. A la suite des dadaïstes qui s’étaient appropriés ces objets, l’intérêt pour ces arts sera préservé. Il prendra alors de multiples formes, de l’influence plastique revendiquée à la collecte ou l’exposition des œuvres.
Jusqu’au 19 février 2018
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries 75001 Paris
de 9h à 18h tous les jours sauf le mardi
Lauréana Lebrun, étudiante en peinture et arts graphiques à l’IESA
Crédits photos : Musée de l’Orangerie