Dans le tourbillon de Paul Empoil !

Alfred Carmut est un employé de bureau rêveur. A force de rêvasser, il se retrouve au chômage, dans une de ces réunions de Paul Empoil, où il va croiser d’autres individus tous plus étonnants les uns que les autres. Quand l’animateur, un coach caricatural, demande aux cinq stagiaires de passer en mode projet, ils lâchent prise. Et là, ça part en live…  Ils cherchent tous à s’en sortir. De quoi ? On ne sait pas. Comment ? En osant…

Et oser, Philippe Fertray le fait sans modération dans un spectacle déjanté, où il allie avec intelligence et finesse l’humour et l’absurde. A mi-chemin entre la pièce de théâtre et le one-man-show, il campe tour à tour plusieurs personnages : un désemployé de bureau, une coiffeuse visagiste avant-gardiste, un chanteur apprenti-star internationale, un voyagiste du 9-3 et un startuper transhumaniste. Une très belle performance d’acteur qui enchaine brillamment les rôles avec une interprétation juste et drôle qu’il s’agisse des voix, de la gestuelle, des styles. A travers ces personnages excentriques, le comédien dépeint avec beaucoup de cynisme le monde du travail et les stages de motivations. Il nous livre une critique fine de notre société. Philippe Fertray manie avec ingéniosité la sémantique et met « en avant la vacuité du vocabulaire et des concepts usités dans ces univers interlopes que sont les agences de Paul Empoil ». Derrière ce texte d’une grande qualité, il dénonce les travers de notre société qui nous pousse de plus en plus à être le meilleur,  à exacerber notre individualiste. Son texte nous parle, nous nous y reconnaissons à travers, par exemple, son langage codé professionnel « reseauting », « win-win »… et nous amène à réfléchir.

Philippe Fertray est débordant d’énergie, ne laissant quasiment pas de répit au spectateur, il occupe avec une intensité folle l’espace scénique.  Je me suis sentie parfois déstabilisée, perdue par ses jeux de mots subtils et habiles, ses réflexions farfelues et décapantes. Je recommande ce spectacle loufoque qui rappelle, par la qualité de l’écriture, un certain Raymond Devos : trouvailles langagières, formules-chocs, calembours jubilatoires… Une invitation à jouer avec les mots !

Valérie Baudat

photos : Fabienne Rappeneau

En mode projet

Théâtre de la Contrescarpe,

5 rue Blainville 75005 Paris.

En septembre, du mardi au samedi à 21h.