Une exposition intimiste au sein d’un appartement lumineux et spacieux où sont mis en valeur les œuvres des trois artistes africains que Maurice Renoma a invité pour donner suite à son exposition Mythologies du poisson rouge.
C’est l’histoire d’un poisson rouge en plastique qui traverse de multiples photographies de Maurice Renoma dans le but de dénoncer notre surconsommation de ce matériau polluant. William Bakaimo, Fakaman Magassa et Dominique Zinkpé ont alors mis en scène ce fameux poisson rouge que vous ne cesserez de croiser notamment dans les œuvres « fusion » où des photographies de Renoma sont décorées des coups de pinceaux de William Bakaimo et Fakaman Magassa.
La Scène Symphonique est la deuxième exposition que nous présente L’appart’ Renoma après son ouverture en janvier 2020.
Ce titre poétique reflète parfaitement cette exposition qui est un véritable hommage à l’art mêlant peinture, musique, poèmes et couleurs. Tous ces arts se répondent, trouvent écho l’un dans l’autre.
Des vidéos nous montrent des lectures de Pierre Richard associant les œuvres exposées à des poésies de Baudelaire. Belle coïncidence ; ce sont cette année les 200 ans de ce « Dante d’une époque déchue » ! Quelle actualité d’écouter ses rimes envelopper avec délicatesse les œuvres présentées pour cette association : littérature, son et peinture…
La Scène Symphonique met l’accent sur les tourments des hommes parmi la beauté de l’art. Chaque artiste exposant se pose des questions sur l’espace qui l’environne, le devenir de notre planète, nos valeurs en perpétuel mouvement.
Comment ? En invoquant l’étrangeté, un onirisme nocturne, drôle, décalé, humain et engagé.
Les œuvres de ces trois artistes sont mélangées, elles se répondent en étant face à face ou côte à côte pour ne pas cloisonner la création de chacun mais pour être partagée, pour agir sur le monde de façon poétique.
Fakaman Magassa a mis en peinture des objets qui régissent notre quotidien comme un smartphone ou une crème antiride pour souligner leurs perversités. Tout cela, avec un humour sans détour !
Le smartphone faisant aujourd’hui partie intégrante de nos vies est ici illustré comme un comprimé à avaler qui nous transformera en une chose virtuelle. Notre intimité est bouleversée par ce petit objet qui a l’air inoffensif mais est en vérité très dangereux. L’artiste a su avec originalité et drôlerie nous donner à voir sa critique pertinente.
L’Homme en veut toujours plus et ne cesse de vouloir étendre son pouvoir et ses inventions. Malheureusement, le progrès nuit à la bonne santé de la planète, l’anthropocène est à prévenir.
Dans une ère où la chirurgie esthétique est en vogue, où l’acceptation de la vieillesse est démodée et où la performance et l’énergie de la jeunesse sont devenus un but ultime à atteindre, Fakaman Magassa peint un personnage qui vise la beauté éternelle avec ses produits chimiques. Beauté éternelle dénonce nos comportements qui révèlent une course à l’immortalité frisant le ridicule. Pourtant, il y a à peine 100 ans, la vieillesse signifiait la sagesse, l’accomplissement d’une vie saine, la connaissance. Une piqûre de rappel que cet artiste prometteur fait bien de nous faire…
Ses êtres informes nous plongent dans un espace étrange, les couleurs froides utilisées contrastent parfaitement avec le rouge des lèvres qu’il a l’habitude de figurer.
Toutes les questions qui préoccupent Magassa sont mises en peinture et offertes à notre regard pour nous donner une bonne leçon d’humanisme.
Sa vision réaliste de l’avenir retranscrite dans cet univers coloré, plein de références, d’amour, de mouvement et d’intelligence est malgré tout optimiste ..!
William Bakaimo, met, lui, en peinture, la fête, le monde de la nuit, le rêve et pose sur la toile des couleurs plus chaudes en hommage à la vie.
Son univers est chaud, des humains côtoient des personnages étranges aux figures zoomorphiques mais aussi des animaux qui nous sont familiers : le chat et l’éléphant !
Son art invoque le fantasme. Ses phrases écrites sur la toile sont pleines de poésie et à contempler ses peintures, on peut même entendre une musique en jaillir…
Dominique Zinkpé, l’invité spécial de ce concert haut en couleur, est un artiste engagé qui peint avec toute sa culture animiste mais aussi charnelle. Entre cérémonie vaudou, intimité, sexe, sacré et profane, l’artiste béninois remet en question le monde contemporain sujet à de multiples maux sociétaux.
Cette exposition est un hommage au vivant.
Mathilde Nicot
du 19 mai au 30 juin 2021
A L’appart Renoma, 129bis, rue de la Pompe 75116 Paris