Critique d’art, éditeur, directeur de galerie, collectionneur de peintures et d’arts « lointains », Félix Fénéon – figure centrale du monde intellectuel et artistique au tournant du 20e siècle – défend une vision décloisonnée de la création.
L’exposition se compose de deux parties : ce premier chapitre, au musée du quai Branly – Jacques Chirac, revient sur les choix de Félix Fénéon en tant que collectionneur et sur la constitution de sa collection remarquable, comptant un nombre considérable de peintures et l’un des plus importants ensembles d’arts extra-européens de son époque. Le second chapitre sera présenté au musée de l’Orangerie à partir du 16 octobre 2019.
Félix Fénéon :
La vie de Félix Fénéon est à l’image du personnage : à multiples facettes. Anarchiste, directeur de revues, marchand d’art, collectionneur, témoin des avant-gardes de la fin du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle, Fénéon a défendu une vision décloisonnée de la création au moment du basculement de l’art vers la modernité.
Comme nombre de ses amis peintres, il côtoie les milieux anarchistes. Attaché aux idées libertaires, il refuse les contraintes et défend pendant toute sa vie les formes nouvelles d’expression et les idées politiques les plus progressistes. Découvreur de talents littéraires et artistiques, il s’engage en faveur d’un art nouveau. En témoigne son appui aux écrivains symbolistes, sa défense de la peinture postimpressionniste de Seurat, Signac ou Matisse. Félix Fénéon est également un grand collectionneur.
Aux murs de son appartement figurent des œuvres de Manet, Bonnard, Vuillard, Modigliani, Masson et Ernst. Les tableaux disparaissent petit à petit derrière des sculptures des pays « lointains » – l’un des plus importants ensembles d’arts d’Afrique et d’Océanie de l’époque – et dont il est probablement l’un des tout premiers admirateurs et collectionneurs.
Les arts lointains :
L’expression « arts lointains » revient à Fénéon lui-même. Elle s’énonce comme une défiance aux formulations alors utilisées (« art nègre », « archaïsme » …) et qui rejouent sur le plan sémantique la domination infligée aux cultures extra européennes par l’impérialisme européen. Ici, l’enquête a valeur de manifeste : faire reconnaître implicitement comme des œuvres d’art les objets dits « exotiques » alors exposés entre les murs vieillissants et poussiéreux du musée d’ethnographie du Trocadéro. Leur entrée au Louvre, temple universel de l’art et des cultures, leur juxtaposition aux autres créations, effacerait les limites arbitrairement tracées.
Félix Fénéon, collectionneur :
Outre les œuvres impressionnistes, post-impressionnistes et modernes qu’il rassemble au cours de sa vie, Fénéon acquiert donc près de 500 sculptures africaines et océaniennes. Faute de témoignage, la date exacte à laquelle il achète ses premières œuvres reste mystérieuse. Sa connivence avec les premiers amateurs, artistes et collectionneurs, laissent supposer qu’il a probablement acquis des pièces avant la Première Guerre mondiale. Fénéon fut ainsi parmi les premiers à s’intéresser à l’art africain. Au début des années 1920, sa collection est déjà renommée. Des peintres étrangers et des amateurs demandent à la voir. Défenseur d’une vision décloisonnée de la création, il contribue à la reconnaissance des arts non-occidentaux, notamment par des prêts généreux aux grandes expositions d’arts africains dans l’entre-deux guerre.
Dans l’exposition, les œuvres africaines et océaniennes montrées en regard de toiles contemporaines de certains artistes qu’il a défendus retracent l’histoire de sa collection et son rôle décisif dans l’évolution du regard porté sur les arts extra européens. Des statues africaines anthropomorphes et féminines aux Poseuse de Seurat, la proximité des œuvres permet un dialogue entre des techniques, époques et origines différentes. L’exposition rend ainsi compte du regard visionnaire de Félix Fénéon, de sa vision décloisonnée de la création.
Commissariat : Isabelle Cahn, Conservateur général des peintures au musée d’Orsay et Philippe Peltier, Ancien responsable de l’Unité patrimoniale Océanie-Insulinde au musée du quai Branly-Jacques Chirac
Jusqu’au 29 septembre 2019
Musée du quai Branly-Jacques Chirac
37, quai Branly
75007, Paris
Du mardi au dimanche de 11h à 19h – Jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h – Fermé le lundi
Photos in situ : Véronique Grange-Spahis