Guernica : l’emblème
En l’honneur du 80ème anniversaire de la création du célèbre tableau peint par Pablo Picasso en 1937, a lieu l’exposition « Guernica » au musée national Picasso-Paris !
L’oeuvre originale n’est cependant pas dans ces murs, elle est conservée de manière permanente à Madrid, au musée Reina Sofia. Mais ne soyez pas déçu, car l’exposition que vous propose le musée Picasso-Paris ne vous laissera pas sur votre faim. Grâce au partenariat avec le musée Reina Sofia, vous trouverez de nombreuses esquisses de l’artiste et une grande partie de ses recherches autour de Guernica, dans un parcours qui rappelle le contexte de création, à savoir : le bombardement de la ville de Gernika le 26 avril 1937, faisant office de terrain d’essai des Nazis.
Le parcours permet de comprendre comment l’artiste a imaginé et conçu sa toile gigantesque, d’abord sans faire directement référence à la guerre que subit le pays. Il entame doucement son travail fin 1936 début 1937 après qu’une délégation de la République espagnole en guerre se rend à son atelier et lui commande une peinture appelée à occuper un mur entier pour le Pavillon espagnol de l’Exposition internationale des arts et techniques de Paris. Cette requête sous-entendait représenter une arme symbolique pour la défense de la République. Plus on avance dans le parcours imaginé par le musée, plus on se rend compte de l’engagement que prend Picasso, notamment lorsque dans une de ses esquisses, on voit l’apparition d’un poing levé : symbole de résistance face aux événements qui lui sont contemporains.
Le projet de l’artiste commence alors à évoluer : le bombardement par les Nazis fait office de bascule ; un important poids politique apparaît. C’est dans la 5ème salle qu’on réalise le fardeau de l’artiste, sa rage et sa volonté. Entre le 10 mai et le 4 juin 1937, Picasso exécute sa toile monumentale : c’est un véritable temps record, malgré toutes ses études préparatoires. Vous le savez, ce tableau n’est pas en couleur. C’est parce qu’il se veut être un rappel du noir et blanc des journaux. La presse a évidemment relayé l’information du bombardement, accompagnée de photographies et témoignages. Le mercredi 28 avril 1937, L’Humanité publie : « Mille Bombes incendiaires lancées par les avions de Hitler et de Mussolini » ; le jeudi 29 avril 1937, le quotidien continue en publiant : « De Guernica, il ne reste que cinq maisons ! ». Ces incroyables pièces d’archives sont évidemment au sein de l’exposition !
En salle 6, d’autres superbes pièces d’archives sont présentées : il s’agit des photographies de Dora Maar (devenue compagne de l’artiste) immortalisant l’avancée de la toile, dans le grenier-atelier rue des Grands Augustins à Paris. Ces clichés ont été publiés dans un numéro spécial du Cahier d’art, consacré au chef d’oeuvre.
Dora Maar joua un rôle important dans sa création artistique. Plus qu’un appui moral, elle l’aide dans sa création, et se fait également modèle. Picasso s’inspire d’elle pour sa série « Les femmes qui pleurent », qu’il réalise entre juin et décembre 1937. Ces femmes qui pleurent représentent un symbole fort, un engagement poignant, d’après la figure de la Mère à l’enfant mort dans la partie gauche de la célèbre toile. Cette figure annonce l’issue funeste de la guerre d’Espagne ; chacune de ses recherches, gravures, dessins, etc. se veut possédant une expressivité maximale dans les visages, les yeux prenant la forme de larmes… Vous retrouverez une partie de sa série, à la fois belle et bouleversante, en salle 9.
L’exposition s’achève avec le devenir du chef d’oeuvre. Il a beaucoup circulé, fait polémique et a été utilisé comme propagande pour lever des fonds pour les républicains espagnols. L’oeuvre fut exposée en Angleterre et aux Etats-Unis ; lorsque la Seconde Guerre Mondiale fut déclenchée en 1939, Pablo Picasso est contraint de laisser ses travaux au MoMA de New York. À l’initiative d’Alfred Baar (directeur du MoMA), l’oeuvre est montrée dans plusieurs villes des Etats-Unis comme une icône de l’art moderne. À la fin de la guerre, le tableau est érigé comme symbole universel de la lutte contre la barbarie, alors que Picasso devient figure d’artiste engagé pacifiste. Il faudra attendre 1981 pour que soit restituée l’oeuvre-emblème à l’Espagne, alors que Picasso s’éteint en 1973.
Et aujourd’hui ? L’exposition ne se concentre pas uniquement sur le passé. Une immense reproduction réalisée par Damien Deroubaix sur 14 panneaux de bois gravé et encré vous éblouira. L’oeuvre-emblème a souvent été ré-utilisée pour manifester un engament politique ou artistique. Vous retrouverez, par exemple, une immense toile de Jackson Pollock faisant partie du groupe anglais Art & Language (fondé sur une pratique de déconstruction des images et de tout procédé artistique illusionniste), intitulé « Picasso’s Guernica ».
Régalez-vous !
Jusqu’au 29 juillet 2018
Musée Picasso-Paris
5 rue de Thorigny
75003 Paris
Tous les jours sauf le lundi, de 10h30 à 18h (dès 9h30 en période de vacances scolaires)
Pauline Joseph, étudiante en M1 Histoire de l’art, université de Bourgogne