“Refroidir les sujets chauds et réchauffer les sujets froids”, tel est le but qu’assigne Constance Rivière au Musée national de l’Immigration dont elle est la directrice.
Avec l’ouverture de la saison Asie, les deux nouvelles expositions, Immigrations Est et Sud Est asiatique depuis 1860 et J’ai une famille, il s’agit donc de dégeler les conceptions figées autour de l’immigration asiatique.
La période du Covid a été motrice pour ce projet de saison puisqu’elle a permis de constater la méconnaissance et donc les stéréotypes, confirmés par des sondages récents, dont cette immigration fait l’objet.
L’objectif est donc de mettre en lumière ce sujet en l’insérant pleinement à notre histoire commune. Emilie Gandon, commissaire d’exposition au Musée national de l’Immigration évoque même “une tentative de réparer cette omission collective”.
Et cette sensibilisation cherche à atteindre le plus grand nombre, le lieu a d’ailleurs été réaménagé pour l’occasion, notamment avec le Petit salon : un espace de médiation pour le jeune public. De plus, des pancartes organisent un parcours pédagogique et ludique pour les enfants.
Ces deux expositions, Immigrations Est et Sud Est asiatique depuis 1860 et J’ai une famille, sont accompagnées d’une riche programmation de rencontres, débats, films et spectacles permettant d’évoquer les apports culturels et artistiques variés résultant de ces interactions.
En effet, l’enjeu d’une saison centrée sur l’immigration asiatique consiste à restituer cette diversité des parcours migratoires qui se heurte souvent à un regard occidental monolithique
La première exposition citée s’organise en cinq sections : quatre d’entre elles épousent une progression chronologique tandis que la dernière, plus transversale, est dédiée à l’époque contemporaine et étudie ce que signifie être asiatique en France aujourd’hui.
Ce parcours étudie une partie de l’Asie et la délimitation géographique proposée tient à l’homogénéité de la zone est-sud est sur le plan des flux migratoires interrégionaux, de l’influence de la la Chine ancienne et du racisme généralisé dont souffrent les personnes en provenance de cet espace dans la société française.
En outre, les bornes temporelles reposent sur le tournant majeur que représente la fin de la guerre de l’Opium au sein des relations diplomatiques entre la France et l’Asie. Les années 1860 marquent ainsi l’ouverture de la Chine et du Japon à l’Occident et les débuts de la colonisation française en Cochinchine.
Une telle amplitude, soutenue par une étude scientifique et historique minutieuse, garantit de lever le voile avec exactitude sur une réalité sociale : aujourd’hui, près de 6% de la population immigrée française vient de Chine, Vietnam, Cambodge, Japon, Corée, Laos, Thaïlande ou des Philippines.
Mais l’exposition ne se limite pas au simple constat : par le lancement d’une collecte d’objets auprès d’associations et de particuliers, les deux commissaires d’exposition, Simeng Wang et Emilie Gandon, restituent la dimension incarnée de l’Histoire. Photos, documents écrits, constituent un témoignage émouvant venant nourrir le parcours et dressent des récits familiaux ou fusionnent la dimension singulière et collective des parcours migratoires.
Enfin, cette restitution historique doit être considérée comme une dynamique ascendante ; les nouvelles générations occupent en effet un rôle majeur dans la lutte contre l’invisibilisation.
Les outils numériques apparaissent ici comme des leviers indispensables des revendications en perpétuelle diversification portées par les populations de l’Est et du Sud-Est asiatique.
Entre permanence et mutations, cette exposition dresse le portrait vivant d’un phénomène de société et questionne plus largement les notions d’identité et d’appartenance. En faisant de la mémoire de ces populations un devoir, elle pose une pierre majeure de notre édifice national.
J’ai une famille
L’exposition J’ai
une famille présente les œuvres d’artistes contemporains d’origine
chinoise qui se sont installés en France au cours des années 1980-1990, au
moment où la politique de réforme et d’ouverture de la Chine et la fin de la
Guerre froide dessinaient un nouvel ordre mondial.
Alors que leurs œuvres traduisent avec une grande diversité leur parcours de
migration et leurs réactions face à un monde en mutation, ces artistes forgent
en France un réseau d’amitiés solidaires, partageant des expériences et des
destins similaires face à l’isolement, à l’adversité, parfois au racisme. Leurs
histoires sont singulières mais les convictions culturelles et artistiques qui
les ont poussés à l’exil, leurs cheminements communs, leurs affinités
intellectuelles, les relations qu’ils ont tissées, évoquent une famille.
L’exposition retrace sur plus de trente ans la trajectoire de ces artistes, fédérés par Hou Hanru et Evelyne Jouanno, avec par date d’arrivée : Yan Pei-Ming, Ru Xiao Fan, Chen Zhen, Jiang Dahai, Huang Yong Ping, Yang Jiechang, Shen Yuan, Wang Du, Du Zhenjun et An Xiaotong.
En trois décennies, ces artistes ont développé une approche critique, inventé des langages innovants, contribuant de manière significative à la transformation de la scène artistique contemporaine française et internationale.
Joséphine Renart
Du 10 octobre 2023 au 18 février 2024
Palais de la Porte Dorée- Musée National de l’Immigration, 293 avenue Daumesnil, 75012 Paris
du mardi au vendredi, de 10h à 17h30 – samedi et dimanche, de 10h à 19h