Exposition de Jasper Johns et Edvard Munch à Oslo
Le musée Edvard Munch à Oslo, en partenariat avec celui des Arts de Virginia, a organisé une exposition des œuvres du peintre Norvégien Edvard Munch (1863-1944) et de l’américain Johns Jasper, né en 1930, afin de mettre en évidence, les liens qui existent entre ces deux artistes.
Edvard Munch :
Considérée comme appartenant à l’expressionnisme moderne, la peinture d’Edvard Munch retranscrit ses angoisses et ses peurs. Au travers de ses œuvres, il est aisé de constater à quel point il a été affecté par son histoire familiale. À l’âge de 5 ans, il perd sa mère des suites d’une tuberculose mal soignée. Dès lors, il est élevé avec ses frères et sœurs, par un père strict et très versé sur la religion. Pour ses 15 ans, c’est sa sœur, de 2 ans son aînée, qui décède d’une forme de tuberculose et plus tard ce sera son autre sœur qui sera internée pour mélancolie. Maintenant on parlerait de dépression. Il n’aura de cesse de peindre, la mort, la maladie, l’angoisse dont le plus célèbre tableau est « Le Cri » qui fut peint dans de multiples versions. A tort, l’on pense que le titre de cette toile provient du personnage central que l’on imagine en train de crier. Munch explique que l’homme se bouche les oreilles pour ne plus entendre, un hurlement déchirant. Réalisé à la même époque, le tableau « Despair » traduit parfaitement le désespoir. Il a été conçu avant « Le Cri » et l’on retrouve de nombreuses similitudes : le coucher de soleil dans un fjord, la passerelle et le personnage en premier plan. De construction très similaire, la lithographie « Angst » met en scène l’anxiété d’une famille. Cette hantise de la mort ressurgit aussi dans son « Autoportrait », de 1985, souligné par les os d’un avant-bras.
Edvard Munch a représenté au travers de son œuvre, ses angoisses, ses peurs comme avec le tableau « Inheritance » 1897-99 qui dépeint l’hérédité génétique d’une lignée. Il imprime ses tourments, ses obsessions, ses phobies. Reconnue par ses pairs, sa peinture ne sera cependant pas toujours appréciée des critiques. Elle sera vivement condamnée par les nazis qui classeront Munch parmi les artistes dégénérés.
Jasper Johns :
Né en 1930, Jasper Johns est un artiste américain qui appartient à l’expressionnisme abstrait et le Pop art. À 20 ans, en 1950 il découvre Edvard Munch, lors d’une rétrospective au musée d’art moderne de New York. Comme ce dernier, ses sujets de prédilection seront l’amour, l’absence, le sexe et la mort. Il exécutera lui aussi de multiples variations de ses tableaux comme avec l’œuvre « Savarin » représentant une boîte de café du même nom, remplie de pinceaux. Avec « Corpse and Mirror », il explore la thématique du miroir, il insère des détails que le spectateur se doit de trouver. Pour exemple, dans la lithographie « Corpse and Mirror », il a dessiné un X et un cercle dans la partie gauche. Dans « Tantric Detail », il reprend ce thème et y inclut un sexe et une tête de mort.
Jasper Johns recherche des nouvelles techniques d’expression graphique. Il s’essaie à la sculpture et insère des objets dans ces tableaux comme pour « Nuit périlleuse » ou « In the studio ». Il crée aussi de textures inédites, comme un mélange de résine et de poudre d’aluminium qui donne un effet métallique à l’œuvre ou encore un amalgame à base d’encaustique et de peinture dont la particularité est de sécher très lentement.
De réelles connexions entre les deux peintres :
L’évocation de la sexualité est l’un des points communs de ces deux peintres. Le sujet est tabou dans le contexte puritain de la Norvège, mais l’est tout autant pour les USA. « La Madone » de Munch, peinte en 1894, bordée de spermatozoïdes et d’un fœtus a choqué la bourgeoisie norvégienne. De la même manière la représentation du drapeau américain dans certaines œuvres de Johns, suscite de nombreuses questions de la part des critiques. Est-ce irrévérencieux, blasphématoire ?
Dans ses toiles, Jasper Johns aime inclure des références à d’autres artistes, comme dans « Summer 1985 » où il peint la Joconde, au-dessus du drapeau américain. Mais, le plus marquant est son tableau « Between the Clock and the Bed » 1982/83 où il utilise un motif très similaire à celui de la couverture du lit peinte par Munch. Et comme si cela ne suffisait pas, le nom du tableau de Jasper Johns est exactement le même que l’autoportrait que Munch réalisé pour ses 80 ans : « Between the Clock and the Bed » 1940/43.
La lithographie « Savarin 1981 » fait référence à la lithographie de Munch, « autoportrait » réalisé en 1895. Les peintres ont souligné leur œuvre par la représentation d’un avant-bras.
Le musée Edvard Munch a innové en créant cette exposition pointant les correspondances entre deux peintres issus d’une époque et d’un pays différents. D’ores et déjà, des projets similaires avec d’autres artistes sont en perspective.
Barbara Ates Villaudy