Quarante-trois ans après sa création, Nicolas Briançon présente au théâtre Marigny sa mise en scène de joyeux Pâques, pièce devenue un classique du théâtre de boulevard. La dernière représentation de ce vaudeville moderne et survolté dans la doite ligne de Feydeau et Guitry aura lieu le 30 avril.
Après Le canard à l’orange, L’acteur et metteur en scène se glisse pour la deuxième fois dans la peau et les mots du regretté Jean Poiret, et relève un défi de taille à travers une pièce et un rôle que l’auteur s’était créés pour lui-même.
À la veille d’un week-end pascal, Stéphane (Nicolas Briançon), homme d’affaires et d’âge mur, profite de l’absence de sa femme Sophie (Gwendoline Hamon), pour ramener chez lui Julie (Alice Dufour), une très jolie jeune femme qu’il compte bien séduire malgré l’inquiétude et la nervosité qui l’assaille. Le retour imprévu de l’épouse place le mari volage au pied du mur. Pris de court, il présente Julie comme sa fille cachée issue d’une précédente union tout aussi cachée.
Ce premier mensonge en entraîne toute une cascade qui emporte les personnages dans une succession de mystifications, de justifications bancales et de quiproquos, auxquels se trouveront involontairement mêlés, monsieur Walter (Pascal Elso) client de Stéphane, sa femme (Muriel Combeau) et leur fils (Raphaël Dulery). Explosif et débordant de mauvaise foi, Stéphane navigue à vue tentant d’éviter les pièges tendus par Sophie et de se débarrasser de Julie pourtant sa complice. Il ne manque pour faire chavirer ce navire en perdition, que l’arrivée inopinée de Marlène Châtaigneau (Claire Nadeau), vraie mère de Julie, fausse ex de Stéphane, magnétiseuse loufoque à souhait, désopilante et toute en ironie.
Dans cet imbroglio, les interventions de Fabienne (Dominique Frot), bonne déjantée de monsieur et madame, constituent un miroir déformant au chaos ambiant. Quasi mutique, grimaçante, Dominique Frot fait de cette bonne sous Prozac, une coccinelle à la Gotlib, une sorte de chœur antique qui vient faire écho à la folie et de l’absurdité de la situation dans laquelle s’enfoncent les personnages.
Tout le monde ment dans ce bel intérieur bourgeois. Tout le monde ment à un rythme effréné, et il faut souligner la performance des comédiens (tous excellents), tenant le rythme et jouant à la fois leur personnage et le personnage de la situation.
Ce rythme impeccablement tenu, les touches de modernité apportées par le décor de Jean Haas, les costumes de Michel Dussarrat, la mise en scène et les propositions folles des acteurs, balayent la crainte de se trouver face à une comédie de mœurs un peu désuète, quand nos mœurs ont quelque peu évolué depuis la création de la pièce. Les choix réalisés par Nicolas Briançon mettent en valeur l’écriture au cordeau de Jean Poiret, son regard aiguisé sur la bourgeoisie qui sous un bel apparat cache ses petites médiocrités, mais dans lesquelles, finalement, nous nous reconnaissons tous un peu. Avec ce Joyeuses Pâques, nous ne rions pas de la situation d’adultère, nous rions de nos médiocrités et les rires fusent.
Frédérique Oudin
Crédit Photos : Pauline Maillet
Texte : Jean Poiret ; Mise en scène : Nicolas Briançon ; Comédiens : Nicolas Briançon, Gwendoline Hamon, Alice Dufour, Claire Nadeau, Muriel Combeau, pascal Elso, Dominique Frot, Raphaël Dulery ; Décor : Jean Haas, Costume : Michel Dussarrat ; Lumière : Gérard Daguerre
Du mercredi au Dimanche Jusqu’au 30 avril 2023
Théâtre Marigny, Carré Marigny 75008 Paris – theatremarigny.fr