Les Jardins du monde en mouvement n’auraient pu trouver meilleure place que ce lieu qui a vu le jour grâce à un désir de paix pérenne entre les pays, où les cultures se côtoient étroitement, au sein duquel 43 résidences de différents horizons voient défiler des milliers d’élèves plein de rêves et d’ambition, où de nombreux évènements culturels se suivent chaque année.
C’est au sein de cette fabuleuse Cité Internationale Universitaire de Paris que, depuis 2017, vingt jardins éphémères ont éclos, histoire d’un temps, dans cet espace grandiose de 34 hectares qui mêle vie humaine et végétale.
Cette 4ème édition avait hâte de se révéler enfin à tous après un an d’attente (l’édition de 2020 a été reportée à 2021) !
Alors, ce parc habité invite résidents, usagers, visiteurs à se promener dans cette étendue unique pour rencontrer au gré de son chemin, cinq créations, cinq jardins qui ont donné place à leur destinée.
Mais concrètement, Les Jardins de monde en mouvement, c’est quoi ?
Cette manifestation s’inscrit dans un projet de développement intitulé Cité2025 qui a pour but de réaménager l’espace en harmonie avec son temps grâce à la construction de dix nouvelles maisons en modernisant ses infrastructures ainsi que le souci d’un lieu de vie durable en consultant ses habitants et en ayant une approche écoresponsable.
Mais, ne perdons pas un mot de plus sans vous décrire le parcours en plein air qui vous attend…
C’est grâce au concours lancé en 2019 ouvert aux jeunes paysagistes, urbanistes et architectes que cinq lauréats ont été sélectionnés par le jury du festival et nous offrent leurs jardins tous différents les uns des autres entre sculptures poétiques, chemin de fleurs, jardin japonais paisible, scénographie de plante et structure à ciel ouvert.
Les histoires qui ont amené ces différents artistes à présenter leur travail sont singulières, leur cheminement unique et leurs références multiples :
Entre inspiration qui passe par la marche dans la ville où les végétaux se frayent un passage, la musique de la nature qui nous joue les vents et la pluie, un décor théâtral de plantes grasses et un chemin de buttes florales…
Poème pour demain, ce jardin éphémère qui se tient magistralement en face de la fondation suisse est inspiré de l’ancienne fresque de Le Corbusier qui s’y trouvait pendant l’entre-deux guerre.
Le point de départ d’Adam W. Pugliese est l’histoire des bâtiments. Quoi de mieux pour lui que de relier l’histoire de la fondation suisse à sa création ? Ce jeune architecte diplômé va aussi adopter une démarche spontanée dans son art avec la documentation de ses longues marches en Ile-de-France en observant et capturant la présence de la nature dans nos territoires urbanisés.
Six photos en noir et blanc nous exposent le dialogue improbable de la flore avec le béton qui prédomine.
Ces six clichés, il les accrochera en haut de sa structure à ciel ouvert, faites de bois recyclé, pour signifier la finalité de son œuvre : le végétal va envahir la structure. Cette maison végétale, munie d’un banc, pourra inviter un moment les résidents à s’y détendre… Quel plaisir, pour l’été qui approche, de se réfugier près des plantes pour trouver un peu de fraîcheur !
La voix des plantes et des pierres, créé par Audrey Carmes, Clara Le Meur, Clémence Mathieu et Jean-Alfredo Albert nous présente trois sculptures avec des cônes d’écoute pour que nous prêtions attention aux choses qui nous entourent. Le son, est quelque chose qui importe beaucoup à ces quatre jeunes artistes fraichement diplômés des Beaux-Arts et d’Eindhoven. La musique prend une place importante dans leur vie. Ils ont voulu partager et nous révéler cet intérêt que nous expérimentons tous de l’aspect sonore de la nature sans même que nous nous en rendions compte.
Qui n’a pas déjà frissonné lorsque l’orage se met à gronder, n’a pas été heureux d’entendre la brise lui rafraichir le cou un midi d’été lorsque le soleil est à son zénith, déjà esquissé un sourire lorsque le bruit de la pluie nous berce, que les gouttes, une à une, tapent et glissent sur les vitres de nos fenêtres ? Chaque promeneur pourra écouter le vent et l’ondée grâce à ces trois structures en métal faites avec un maximum de matériaux naturels (chaux de Marrakech, foin, terre) et de techniques traditionnelles, pour respecter les êtres vivants du parc de la Cité Universitaire.
Après cette expérience auditive, ne manquons pas d’aller à la rencontre d’un univers qui nous donne à voir un petit coin de douceur inspiré des jardins japonais. Les Écrins de nature par Fanny Giraudeau nous transportent à l’abri des cerisiers derrière la maison du Japon pour nous offrir un moment intime.
Ces grands paniers en vanneries, inspirés des paniers en bambou, sont le refuge de tout un éco système. Le tressage des paniers est là pour offrir à la nature un cocon délicat et esthétique. Fanny Giraudeau nous offre une halte au sein de cet univers minimaliste japonais pour nous reposer de notre quotidien urbain.
Puis, continuons au Sud de l’Amérique…
Si vous ne connaissez pas l’architecte mexicain Luis Barragán qui a pratiqué l’architecture émotionnelle, c’est le moment de le découvrir grâce à Soline Portmann qui face à la maison du Mexique, rend hommage à son travail « presque de l’ordre du sacré » avec sa plantation de végétaux endémiques mexicains rustiques et persistants, entourée de briques artisanales jaunes en clin d’œil à la maison.
On ressent tout à fait son approche de scénographe-paysagiste par sa mise en scène esthétique et recherchée qui respecte le vivant.
Pour finir en beauté, Lina Boulnois, Elodie Guillemot et Alexis Campagnes nous présentent les Sphères victorieuses. Un bel hommage à Julie-Victoire Daubié, première femme ayant obtenu le baccalauréat en 1861, pour remémorer cette histoire presque oubliée en dialogue avec la récente Résidence Julie-Victoire Daubié qui encre ce moment phare de l’histoire des droits des femmes. Dix massifs éclatés structurés en buttes pour symboliser les boules de couleurs (rouge, blanche et noire), ancien système de notation, utilisées par le jury pour évaluer les élèves, nous mènent à la résidence. Ce chemin aux références anciennes nous plonge dans une relecture historique avec son code couleur des boules retranscrit dans les couleurs des fleurs et de ses bâtonnets qui les entourent.
Ce parcours, riche en découvertes nous ouvre des portes sur cinq ailleurs, cinq mondes tout en nous familiarisant à de nouveaux espaces vivables, de nouvelles techniques, de nouvelles façons d’appréhender notre quotidien et de nouvelles histoires.
Laissez-vous porter par ce quintette d’inventions nouvelles grâce à la capacité de ces jeunes créateurs à innover et à donner naissance à de nouveaux lieux au sein de cet endroit unique.
Ce projet est chaque année soutenue par le mécénat de la Caisse des Dépôts qui récompense ces cinq lauréats d’une bourse de 8 000 euros. Ils le méritent !
Mathilde Nicot
Photos : Anna Weck et Mathilde Nicot
Du 6 mai 2021 au 4 novembre 2021
À la Cité Internationale Universitaire de Paris, 17 boulevard Jourdan, 75014, Paris