La Halle
La Halle est un centre de vie, le marché où chacun a sa place et doit y rester, où le patron de « Chez Tonton » fait la loi, brise et cajole ses employés pour abattre de plus en plus de travail… à son profit.
Julien vend des saucissons – pas n’importe lesquels – ceux de porcs élevés de façon industrielle – (Âmes sensibles, s’abstenir de lire les pages 11 à 14). Vendre du saucisson c’est tout un art – Celui de séduire le client, de vanter le produit, de s’intéresser au client… et ceci tous les jours de l’année.
Dans la Halle, vase clos, chacun a son rôle et son surnom – Mémé Proteste (pétitions en tous genres), Crème de lait (le fromager), Choco-Fraise (vendeur de chaussettes), le Roumain (Avi qui sert les cafés), Mister Fenouil (client qui n’achète que des saucissons au fenouil), les trois Grâces (vendeuses de thé),…
A la Halle, tout se sait, chacun jauge l’autre – Chacun a sa espace qu’il défend. Ici le principe c’est vendre et sourire aux clients.
Un jour, la galerie d’art, sise au premier étage, ferme ses portes – c’est vrai qu’elle n’était guère attrayante – une grande surface de 200 m2 pourtant – où Vegetalia va s’installer –
Pour Fouad, le galeriste qui est artiste, il y a la peinture, celle de l’époque du squat, l’équipe du Diable (du nom de la rue). « L’espace m’a plu, la Halle aussi me plaisait au début. J’ai accepté d’y investir ce qui me restait. Je croyais pouvoir faire revivre mes camarades, nos idées. Différemment mais oui, j’y ai cru, c’était mon erreur. »
C’est alors que dans ce petit monde bien rôdé, les rouages vont sauter et enchainer des événements qui feront de la Halle un tout autre univers…
La Halle se trouve à Marrec. « Marrec est un nid de langues de vipère. Les habitants de Marrec jouent les bons vivants, les bohèmes, les humanistes, ils jouent les défenseurs du bien-manger, des immigrés, de l’art et de la culture, ils s’offusquent lorsque leurs galeries d’art ferment et que leurs clochards meurent, mais ce ne sont que des concierges affamés de ragots, des bavards pesants qui ne se préoccupent que de leur petit monde comme les petits commerçants de la Halle ne se préoccupent que de leur petit commerce. »
Résumé :
Premier roman, La Halle de Julien Syrac, est une fable contemporaine, réaliste et endiablée, qui raconte la cohabitation laborieuse d’hommes et de femmes ordinaires et attachants dans une halle grande comme le monde, où ils viennent travailler, boire, manger et tenter de rêver. Le rêve, pour certains, c’était encore la galerie d’art au premier étage de la Halle. Mais elle fermera ce soir, bientôt remplacée par un supermarché végétalien. Dans le microcosme de la Halle, l’annonce de ce changement de voisinage fait l’effet d’une secousse : bref on en parle, on juge, on prend parti. Depuis son étal et dans l’attente d’une surprise qui tarde à venir, le vendeur de saucissons, ami du galeriste sacrifié, fait la chronique de cette journée où tout s’accélère, révélant quelles illusions, peurs et rancunes agitent la faune de la Halle, si désespérément humaine. Or au procès du sacrifice on ne trouve ni coupables, ni accusés, car c’est la Halle seule, ce Moloch, qui décide du sort des enfants qu’on lui jette. Qui aura le courage d’abattre la bête ?
La Halle de Julien Syrac
Éditions La Différence, mars 2017
208 pages, 16 €
Véronique Grange-Spahis