La Régence à Paris (1715-1723), L’aube des Lumières : les prémices d’un bouleversement.

“La Régence est tout un siècle en huit années”, a pu écrire Jules Michelet dans son Histoire de France.

L’historien met ainsi en lumière les bouleversements qui ont marqué cette période, parfois oubliée mais non moins fondatrice, de l’histoire de France.

C’est dans le but de restaurer son importance que le Musée Carnavalet retrace, dans son exposition La Régence à Paris, L’aube des Lumières, les mutations plurielles qu’a connues le premier quart du XVIIIème siècle.

Quelques mots sur le contexte :

La Régence désigne la phase transitoire durant laquelle, après la mort de Louis XIV le 1er septembre 1715, le pouvoir est placé temporairement aux mains de son neveu ; Philippe d’Orléans, le futur Louis XV n’ayant alors que cinq ans.

Du retour de la Cour à Paris en 1715, symbolisé par l’entrée du roi par la porte saint Antoine, à son départ pour être sacré en 1722, se déroulent sept années décisives dans l’histoire de Paris.

La ville redevient en effet le lieu emblématique de la vie politique, économique et culturelle et, en l’absence d’une autorité arbitraire, se développe une liberté nouvelle de pensée qui esquisse l’esprit des Lumières.

La Régence apparaît donc comme un temps privilégié d’innovations plurielles que le déroulé de l’exposition met en lumière à travers un parcours thématique.

Plus de 200 œuvres (peintures, sculptures, œuvres graphiques, éléments de décor et pièces de mobilier) issues de collections publiques et privées sont exposées.

La présence inédite de ces trésors historiques permet d’explorer cette période de l’histoire et de rendre compte des mutations de la société au moment où Paris s’installe durablement comme capitale culturelle de la France.

Philippe d’Orléans

La personnalité du régent est aux antipodes de celle de Louis XIV. Très curieux, il s’adonne, dès que le temps le lui permet, à la pratique de plusieurs arts : de la musique à la peinture en passant par la porcelaine, les œuvres exposées témoignent d’une pratique amateure extrêmement poussée. La série de tableaux réalisée sur le thème de Daphnis et Chloé est notamment considérée comme un de ses travaux les plus aboutis.

C’était aussi un bon vivant, les “petits soupers” du Palais Royal font l’objet de plusieurs pamphlets et satires qui participent à sa réputation scandaleuse.

L’approche de cette exposition, qui se veut la plus complète possible, permet aussi de nuancer la légende noire mettant en avant la futilité et la débauche de cette période.

Louis XV

Le futur Roi (sacré à Reims en octobre 1722), bénéficie d’une éducation des meilleurs instructeurs de Paris. Plusieurs éléments tels qu’un globe terrestre, des cartes de géographie et des manuels mettent en scène l’exigence de son initiation à l’histoire, la politique, la géographie, la botanique, la danse, l’équitation ou encore la tactique militaire. Certains extraits de correspondances entre ses proches témoignent également de l’intelligence précoce du jeune souverain.

Des marbres et tableaux offrent des portraits des figures éminentes de la Régence et la compréhension des histoires de succession est soutenue par la présence d’un arbre généalogique.

Et Paris changea de face…

La Régence annonce l’aube d’une modernité nouvelle qui se décline dans tous les domaines de la société.

Sur le plan économique premièrement, on assiste à une politique de restauration brutale des finances mise en place par Philippe d’Orléans en 1716. Beaucoup de tableaux d’époque évoquent la révolution qu’a représenté la réévaluation de la monnaie mais également la création de la banque royale de John Law et l’invention du papier monnaie dont on a une copie en vitrine.

Il s’agit également, à cette époque, de restaurer des rapports pacifiques avec les anciens ennemis, la paix apparaissant plutôt comme une nécessité économique puisque la France n’a plus les moyens de faire la guerre.

Le parcours révèle cet enjeu diplomatique qui a donné lieu à des alliances, dont les fiançailles de Louis XV avec l’infante Marie-Anne- Victoire d’Espagne, alors âgée de trois ans seulement !

D’un point de vue esthétique, le phénomène d’effervescence dans la création mobilière s’accompagne d’une consommation de produits de luxe. On peut observer de magnifiques porcelaines importées d’Asie ou encore des productions d’artisans d’excellence qui témoignent d’un nouveau goût en vogue : le style Régence, qui se caractérise paradoxalement par une liberté esthétique nouvelle.

En effet les meubles exposés présentent une facture plus raffinée que sous le règne de Louis XIV ; la profusion de détails, tels que les espagnolettes ou des homards ornant un miroir, pose les bases d’un décor enrichi façon rocaille, directement inspiré du baroque italien.

La somptueuse pendule d’Hercule et Atlas à pied d’estale triangulaire, signée par l’ébéniste André Charles Boulle, en offre une manifestation éclatante

L’influence vénitienne se poursuit en peinture où de nouveaux artistes émergent, tels qu’Antoine Watteau (1684-1721), reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1717, ou encore Rosalba Carriera, entrée aux Beaux-Arts à l’initiative du régent.

De manière plus visible, Paris est le terrain de modernisations urbanistiques importantes, quoique limitées par les finances.

Les plans de certains chantiers effectués à l’époque (nouvelles fontaines, réaménagement de l’axe des Champs Élysées, hôtels particuliers) permet aussi de constater l’évolution des monuments phares de la ville ; l’hôtel d’Evreux par exemple, construit dans les années 1720, correspond à l’actuel palais de l’Elysée !

Un tel souffle de renouveau s’étend également aux domaine des arts et spectacles puisqu’on assiste à une renaissance du théâtre et en particulier du théâtre italien, avec la commedia dell’arte et ses personnages emblématiques.

Les pièces de théâtre et les livres sont réellement le reflet de cette période de mutation durant laquelle se développent de nouvelles sociabilités.

On assiste en effet à une multiplication des salons avec leurs discussions politiques, littéraires, qui favorisent l’émergence de personnalités influentes telles que Mme de Lambert.

La Régence couve aussi les premiers succès des écrivains majeurs du siècle : Marivaux, Voltaire, Montesquieu…

L’exposition est ponctuée d’extraits comme celui du film de Bertrand Tavernier, Que la fête commence, dont la musique est directement empruntée à un opéra composé par le régent en 1704 et intitulé la Jérusalem délivrée.

Cette sélection d’oeuvres transversales emblématiques de la Régence rend plus accessible et mémorable l’évocation de cette période.

Comment ne pas rester marqué par les dimensions exceptionnelles du diamant ornant la couronne du sacre, et qui porte d’ailleurs le nom: le Régent!

L’intérêt de cette exposition est donc de présenter l’immense foisonnement propre à ces sept années durant lesquelles se cristallise avec puissance un mouvement de remise en cause des préjugés, déjà amorcé dès le début du XVIIIIème siècle. Mouvement qui, en prenant conscience de lui-même, annonce l’esprit des Lumières.

L’explication de ce point de bascule crucial dans l’histoire de Paris est vouée à être accessible au plus grand nombre.

Un parcours illustré qui simplifie les grandes thématiques de l’exposition est dédié aux enfants et des dispositifs numériques et audiovisuels gratuits ont été mis en place pour assurer une visite intergénérationnelle et riche en informations.

Une carte interactive permet notamment de découvrir les bâtiments majeurs construits à Paris sous la Régence, lieux qui ont été les places fortes de certains évènements politiques.

Dans le souci d’une plus grande ouverture, le Musée Carnavalet propose toute une programmation culturelle autour du projet que vous pouvez découvrir sur leur site : https://www.carnavalet.paris.fr/

Les visiteurs sont également invités à prolonger l’exposition par la découverte des décors d’époques de la Régence et de la banque de France au cœur de l’impressionnante Galerie dorée…

De quoi faire rêver !

Joséphine Renart

Crédit photos : Alice Delacharlery

Du 20 octobre 2023 au 25 février 2024

Musée Carnavalet-Histoire de Paris, 23 rue de Sévigné, 75003 Paris

ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf les lundis