Lovée dans l’anse Corton, une crique naturelle et sauvage face au Cap Canaille, au cœur de la Provence, La Villa Madie, belle bâtisse contemporaine, occupe avec sa terrasse un site de rêve au-dessus des flots bleus de la Méditerranée et ombragée par de fringants pins parasols. Une bonne adresse qui vaut vraiment le détour…
Normand devenu amoureux transi de la Provence, le chef Dimitri Droisneau, en tire toute son inspiration, bien qu’il soit aujourd’hui un peu amoindri et invisible, sauf en cuisine, car il soigne actuellement un problème d’œdème au genou suite à une chute. Ses créations sont un parfait équilibre entre l’iodé et la minéralité, balance orchestrée avec précision, mais surtout avec passion gourmande. Comme une délicieuse impression de déguster à chaque bouchée tous les trésors du terroir provençal…
De plat en plat, celle-ci court, légère, subtile, savoureuse, fraîche et aromatique, percutante quand il le faut, toujours surprenante et renouvelée. Toute la magie du Sud – ses produits marins aussi bien que terrestres, ses poissons comme ses herbes, sauvages ou non – est apprivoisée au sommet dans cette cuisine. Ainsi en est-il d’un très grand plat comme la crevette carabineros, tartelette aux fruits rouges où l’association iodée et saline du crustacé avec les fruits relève de l’harmonie céleste. Sans oublier l’étonnant Lou Maurigo à base de morilles de pins et de moules, le loup flanqué d’une écume iodée avec l’huitre de Pascal Migliore, la sardine de pays dans tous ses états avec caviar de Sologne. Superbes plats que la joyeuse bande de journalistes privilégiés ont tous dégustés et redégustés sans se faire prier …. Avec délice et gourmandise. Tout en philosophant sur la finesse subtile des bulles de la gamme des vins Drappier à Urville, tout proche des vignobles bourguignons.
Côté in vino veritas, un sommelier charismatique rivalise de propositions intelligentes pour tester les champagnes Drappier qu’il n’a pas dans sa riche cave à vins… pourtant bien pourvue en grands crus. Ce qui prouve aussi l’ouverture d’esprit de Michel Drappier qui a examiné avec son fils et sa fille, les 5 tomes imprimés de la carte des vins de la cave du restaurant triplé étoilé depuis 2022.
Nous avons dégusté ce vendredi 6 octobre d’abord en apéritif le Brut Nature (blanc et rosé), puis la Carte d’Or brut (80% pinot noir, 15% chardonnay et 5% Pinot meunier), puis an accord avec le menu le Clarevallis (75% Pinot noir, 10% pinot meunier, 10% chardonnay, 5% pinot blanc) vinifié et élevé dans les caves construite en 1152 par les moines de l’abbaye de Clairvaux aujourd’hui propriété de la famille Drapier. Vignoble cultivé en agriculture biologique, en partie labouré par un cheval. Nous avons apprécié la Grande Sendrée 2008 en magnum (55% pinot noir, 45% chardonnay), puis la Réserve de l’Oenothèque 2004 (75% pinot noir, 15% chardonnay, 10% pinot meunier) et l’Oenothèque 2006 (80% pinot noir, 15% chardonnay, 5% pinot meunier) non disponible à la vente. On y apprécie sans s’en lasser les pinots noirs intenses dont un excellent non dosé.
Le premier contact avec le vin est visuel comme les plats concoctés à la Villa Madie par le chef Dimitri. A peine servi, l’œil en saisit la couleur et l’éclat. C’est une première étape qui éveille les sens et prépare à la suite de la dégustation. Imprimer au vin un mouvement rotatif permet de l’oxygéner.
Certains défauts olfactifs se retrouvent lors de la dégustation en bouche. Un vin trop souffré présente une bouche sans harmonie, qui s’exprime par un goût d’ail, de caoutchouc ou d’oeuf pourri. Un vin oxydé offre une bouche à la saveur très acidulée pour les blancs, et d’aigre-doux ou de « rancio » (pruneaux, fruits à l’eau-de-vie) pour les rouges.
La dégustation est cependant un exercice à la portée de tous, même si elle réclame beaucoup d’attention et de concentration. Avec un peu de pratique et de curiosité, certains amateurs doués montrent un niveau de compétence comparable à celui de vrais professionnels.
Santé ! Cheers, prosit, nazvrovié !
Christian Duteil
Photos : Christine Ontievero