L’art de la mode durable à l’honneur au Jardin des Métiers d’Art et du design : Tisser l’avenir, habiller le corps

La jeune institution du Jardin des Métiers d’Art et du design présente jusqu’au printemps une exposition consacrée à la création de mode contemporaine, durable et engagée. Cette exposition nous invite à découvrir les travaux d’artisans créateurs tout en nous interrogeant sur notre rapport au vêtement. En effet, l’exposition aborde les questions de sourcing, de fabrication, et d’usages au fil du temps.

Le JAD, né il y a un peu plus d’un an à l’initiative du département des Hauts-de-Seine, soutient le savoir-faire d’excellence au sein de ses locaux classés aux monuments historiques. C’est au sein des anciens édifices de la manufacture de céramique que des artisans et des designers se consacrent à la création dans les ateliers qu’ils occupent. Ce lieu accueille des créateurs aux savoir-faire très divers, qu’ils croisent dans des projets collaboratifs. En effet, la collaboration constitue une valeur fondamentale du JAD.

Les ateliers, petits, moyens et grands ainsi que les salles communes (dont l’agora et les lieux ouverts aux ateliers pour le public) constituent le cœur des locaux du JAD. Toutefois, une pièce, le « show-room », baigné de lumière grâce aux fenêtres style industrielles conservées de l’époque, accueille les expositions.

L’exposition Tisser l’avenir, habiller le corps s’aligne sur les valeurs de son commissaire d’exposition, Pascal Gautrand. Professionnel de la mode, il est le fondateur de deux organisations : Made in Town, ayant pour but d’accompagner les projets liés à la valorisation des savoir-faire locaux, ainsi que le collectif Tricolor, une association qui rassemble les acteurs qui composent la scène de la laine française.

On retrouve ainsi ses engagements, et ceux du JAD, reflétés dans cette exposition. Les œuvres présentées se répartissent ainsi autour de trois axes : la sobriété, le réemploi et le retour à la naturalité.

L’exposition nous invite dans un premier temps à considérer notre rapport personnel et intime aux vêtements de notre vie. Le spectateur est invité à plonger dans la vidéo Déshabillé (2017), réalisée par Valérie Mréjen, concentré de témoignages sur des histoires intimes liées aux habits.

Pour explorer le thème de la sobriété dans la création de mode, plusieurs créations novatrices sont exposées. Les œuvres de Geneviève Sevin-Doering ouvrent ce parcours. Le blouson Dufliho (1973) et la robe Juliette (1973) réalisées à partir d’un seul patron, témoignent d’une réflexion profondément technique, non dénuée de poésie, sur le vêtement.

Cette technicité poétique se retrouve également dans les vêtements à métamorphoses de la créatrice Marie-Ange Guilleminot, inventrice du chapeau-vie(2016) et de la Garde-robe, Marcel(2016). Ils reflètent sa réflexion sur la possibilité d’un vêtement total et intelligent, qui nous accompagnerait toute notre vie durant.

Dans cette partie de l’exposition, le vêtement devient une œuvre d’art expérimental, se rapprochant davantage de la sculpture que du prêt-à-porter. Cette démarche technique et artistique se retrouve dans les œuvres spectrales de Stéphanie Coudert, qui ne sont pas sans rappeler les travaux de Jeanne Vicérial, qui prête pour cette exposition, la «Tricotisseuse», machine intelligente permettant de créer une œuvre à partir d’un seul fil.

La seconde partie de l’exposition, axée sur le thème du réemploi, aborde les thèmes très actuels de l’upcycling. Les œuvres de Daniel Jasiak révèlent le potentiel des fragments de tissus, assemblés pour donner naissance à des pièces nouvelles.

Cette réflexion sur les possibilités infinies du vêtement se poursuit dans les œuvres manifestes d’Andrea Crews.

Les créations de Marie-Ange Guilleminot, les sacs réalisés à partir de collants, ou encore les vêtements de la marque 1083, créée par Thomas et Grégoire Huriez, nous proposent des déclinaisons de l’upcycling.

On retrouve également les œuvres d’autres créateurs, toutes plus uniques et inspirantes les unes que les autres, comme la robe de fortune(2022) d’Anaïs Beaulieu, réalisée à partir de sacs plastiques.

La troisième partie de l’exposition, le retour à la naturalité, nous invite à retourner à la source même du vêtement, la matière, et son lien intrinsèque avec la nature. De nombreux échantillons de matières sont présentés. La robe de Daniel Jasiak, réalisée en exclusivité pour cette exposition, nous permet de découvrir les caractéristiques du lin, les collections de la marque 1083, nous fait redécouvrir la fabrication du jean à travers ses innovations techniques.

En écho au collectif Tricolor, on retrouve également de nombreux échantillons de laine, de l’organisation Marelhaet de la Maison Izard, dont les projets nous invitent à apprécier le savoir-faire de la laine en France. De ces enjeux sur la matière, l’exposition s’achève avec la question des teintures naturelles, source importante de pollution. Ainsi, les travaux de Sandrine Rozier et Aurore Thibout se penchent sur les savoir-faire du passé, en vue de le ramener dans des créations contemporaines, tournées vers un avenir consciencieux.

Une exposition inspirante et enrichissante aux portes de Paris.

Ninon Le Bihan

Du 17 janvier au 21 avril 2024

Jardin des Métiers d’Art et du Design, 6 Grande Rue, 92310 Sèvres

Mercredi au dimanche de 14h à 19h (fermeture les lundi et mardi)