C’est en 1829 que Victor Hugo publie le journal d’un condamné à mort, frappé lors d’une marche dans Paris de voir un bourreau occupé à graisser une guillotine. Deux cents ans plus tard, le peine capitale demeure bien loin d’avoir disparu des peines encourus à l’échelle de la planète et même en France, après que Robert Badinter se fut battu comme un diable pour changer la loi, le débat fait régulièrement surface. La société reste sujette à des envies de vengeance, cédant à l’émotion légitime que provoque régulièrement le meurtre d’un enfant. Tout la question est là : peut-on retirer la vie et finalement se situer sur un même plan que le criminel dans un élan de colère et de voyeurisme ? Ne s’agit-il pas d’un aveu d’impuissance et par voie de conséquence, d’effacement de l’inacceptable ? On ne saurait pourtant réduire la vie d’un homme à l’acte ayant prétendument justifié la sentence.
Cette adaptation propose une revisitation vibrante de tous sentiments par lesquelles le condamné passera. Du fol espoir d’une grâce improbable à la résignation, Adrien Capitaine prend le parti de ne pas assombrir le tableau même si l’on sait l’issue inéluctable. Le texte déclamé au rythme d’une mitraillette, dit les épisodes d’une vie sans que l’on connaisse les faits, laissant planer volontairement le doute puisque l’auteur n’ambitionne aucunement de refaire le procès de celui qui s’agite sous nos yeux pour sauver sa peau. En revanche, le jeu délicat du comédien, tantôt frénétique, tantôt contrit, rappelle qu’une telle condamnation à mort, frappe également une épouse et surtout une enfant bien innocente. Il tente de se tourner vers Dieu lorsqu’il comprend que les recours ne serviront de rien, égrainant chaque seconde qui le sépare de l’issue fatale.
Comme ne pas être bouleversé par cette histoire et par le travail ciselé d’une mise en scène rognée jusqu’à l’os, laissant toute la place à la force du propos. L’histoire est parfois joueuse lorsqu’on mesure le combat qu’Adrien a du mené. En effet, le personnage remarque le bégaiement de celui qui viendra annoncer le rejet de la demande en grâce. Et le comédien lui-même, passionné de théâtre, parvint à vaincre ce même handicap au fruit d’un travail acharné. En creux ce spectacle dit donc aussi combien on peut se sentir condamné par une société bien indifférente aux obstacles que d’aucuns doivent franchir pour trouver leur place, quelle qu’elle soit. L’objectif d’une telle entreprise est largement atteint lorsqu’une spectatrice avoue au comédien qu’elle a bougé sur ses lignes après l’avoir entendu, convaincue jusqu’alors de la nécessité de couper la tête de celui qui aura lourdement fauté.
Le pitch : Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo nous met en présence d’un condamné à mort, coupable d’un crime de sang.
Cet homme mérite-t-il ce châtiment ? Quelles sont ses préoccupations, quels sentiments l’animent ? Sera-t-il gracié ? Après une attente interminable, le dernier jour arrive avec son cortège de prêtre, huissier, bourreau et procureur. Que se passe-t-il dans la tête, dans la chair du condamné ?
Adrien Capitaine incarne ce condamné, et nous propose de suivre le voyage intérieur de cet homme à travers les mots d’Hugo.
La compagnie Les couleurs du vent vous propose une version humaine et sensible de cette histoire.
David Fargier
Le dernier jour d’un condamné
Auteur : Victor Hugo ; Mise en scène : Elise Touchon et Adrien Capitaine ; Avec : Adrien Capitaine
Jusqu’au 10 mai 2022 tous les mardis
Essaion Théâtre, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris