Le jour où j’ai appris que j’étais juif

Après son succès notamment au Théâtre Montparnasse, Jean-François Derec est remonté sur scène à l’Archipel Théâtre pour raconter, seul sur scène, sa vie, en commençant par le jour où il a appris qu’il était juif.

Son récit est adapté du livre éponyme (aux éditions Denoël) et mis en scène par Georges Lavaudant, ex-patron de l’Odéon Théâtre de l’Europe, ami de jeunesse depuis Grenoble de Jean-François Derec.

L’action se passe à Grenoble, Jean-François a 10 ans, Christine, 11 ans. Un jour dans sa chambre, elle lui dit : « Je te montre mes seins si tu me le fais voir. » Voir quoi ? Même s’il a une petite idée. Devant son refus, sa copine lui répond : « Je sais pourquoi tu veux pas me le montrer, parce que tu es juif et qu’il est coupé en deux. »

Il part alors en courant et ne verra jamais la poitrine de Christine. Lui, juif ? Bien sûr que non. Derec, cela sonne plutôt breton, non ?

Au fil de ce récit aux allures de parcours initiatique, il exhume peu à peu ce passé que des parents, survivants juifs polonais, décidés à devenir « plus Grenoblois que les Grenoblois » lui ont caché.

Il parle avec amour, humour et émotion de sa mère juive qui pourtant voulait faire « comme tout le monde » pour être bien vu de Madame Picard, la française parfaite par excellence.

Avec ce texte à la fois drôle et sensible, on découvre un comédien subtil, élégamment mis en scène, entre direction d’acteur très précise et pauses subtiles pour nous laisser nous remettre de nos émotions, on ne voit pas le temps passer.

Sans jamais chercher la facilité, Jean-François Derec fait rire et émeut tour à tour par sa sincérité, son humanité, sa profondeur, sa pudeur et son humour unique.

Il partage avec le spectateur cette découverte surprenante, comment il l’a vécu face à sa famille qui ne voulait pas en parler, face à ses camarades qui restaient ancrés sur certaines idées négatives des juifs, face à lui-même pour trouver sa place et sa famille disparue dans les camps d’extermination.

A travers cette pièce à l’écriture incisive, l’histoire de Jean-François Derec illustre la grande Histoire.

Olivia Bellin- Zéboulon

Vivement la réouverture des théâtres !