Le visiteur

Cette pièce fut la première qu’écrivit Eric-Emmanuel Schmitt. Considérée aujourd’hui comme un classique du théâtre contemporain et adaptée très régulièrement en France et à l’étranger, elle ne connut pas pour autant un succès immédiat et peina même à s’installer durablement dans le paysage culturel. La densité du casting de cette nouvelle mise en scène ne démentira pas son succès populaire, bien au contraire. S’inscrivant dans la longue tradition philosophique visant à cerner l’existence du mal et ses manifestations, on pourrait croire que « Le visiteur » consiste en un prosélytisme qui ne dirait pas son nom. Ce serait mal connaître la subtilité de son auteur. La trame scénaristique lui en était d’ailleurs venu une nuit où il entendrait à la radio des nouvelles plus effrayantes et dramatiques les unes que les autres, remettant alors en question sa foi.

Et c’est avec une grande malignité qu’il confronte le fervent athée qu’était Sigmund Freud, à l’irruption supposée de Dieu en son appartement, au moment où le monde s’apprête à basculer dans l’horreur absolue, toile de fond de ses tous derniers écrits. L’inventeur de la psychanalyse, contrairement aux idées reçues, ne nourrissait aucune aversion à l’égard de la religion. Il ne la juge pas comme fausse mais estimait qu’elle participait davantage du désir de sens que d’une vérité démontrable, la science s’avérant impuissante à apporter quelque démonstration que ce soit en la matière.la pièce en témoigne avec objectivité et intelligence, donnant toute la place qu’il mérite – pour ou contre – au doute mais aussi et surtout au questionnement

Le bien et le mal vont ainsi s’affronter, dans les faits comme dans la rhétorique, au cœur d’une enclave, celle d’un appartement bourgeois à Vienne, que Freud se refuse à quitter malgré les injonctions de sa fille. Mais Dieu en personne tente de le convaincre de l’urgence de fuir l’Anschluss afin de témoigner de ce qui se trame. Sam Karmann et Franck Desmedt forment un duo tout simplement subjuguant. Lorsque le jeu atteint de tel sommet, on peut même se demander si les acteurs eux-mêmes ne sont pas les victimes inconscientes d’une certaine transcendance. Vents d’Orage, pas plus que quiconque, ne peut se fendre d’une réponse imparable aux questions que soulèvent cette œuvre. Plus modestement mais avec la plus grande conviction, il vous enjoint d’assister au plus vite à un spectacle qui pourrait bien changer le cours de votre existence.

Le pitch : « Dieu et Freud doivent avoir énormément de choses à se dire puisqu’ils ne sont d’accord sur rien… ».

Vienne 1938 : les nazis ont envahi l’Autriche et persécutent les juifs.

Par optimisme, Sigmund Freud ne veut pas encore partir ; mais en ce soir d’avril, la Gestapo emmène Anna, sa fille, pour l’interroger. Freud, désespéré, reçoit alors une étrange visite.

Un homme en frac, dandy léger, cynique, entre par la fenêtre et tient d’incroyables discours…

Qui est-il ? Un fou ? Un magicien ? Un rêve de Freud ? Une projection de son inconscient ?

Ou bien est-il vraiment celui qu’il prétend être : Dieu lui-même ?

Comme Freud, chacun décidera, en cette nuit folle et grave, qui est le visiteur… ?

Bande annonce

Le visiteur

Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt ; Mise en scène : Johanna Boyé ; Avec : Sam Karmann, Franck Desmedt, Katia Ghanty et Maxime de Toledo

Jusqu’au 17 décembre 2021, du mardi au dimanche

Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris

Réservations

David Fargier