L’Education Sentimentale électrisée

Dans cette version moderne et électrisée de l’œuvre de Gustave Flaubert, Frédéric Moreau traverse les époques en chant et en musique qui emplissent la salle intimiste du Théâtre Poche Montparnasse.

Portée et mise en scène par Sandrine Motaro et Gilles Vincent Kapps, la pièce se veut dynamique, musicale, drôle et touchante : un combo parfait pour attirer des spectateurs quelque peu récalcitrants au théâtre ou juste des amoureux d’innovation et de créativité théâtrale.  On ne sent pas le temps passer face aux deux acteurs qui partagent une complicité folle sur scène et traduisent à la perfection la passion de l’amour ou de l’amitié. Ils incarnent à eux deux tous les personnages du roman et on est impressionnés par leur énergie inépuisable ainsi que par leur amour tangible pour leur art.

Sandrine et Gilles Vincent Kapps, photo de Pascal Gély :

Cette mise en scène rend l’Education Sentimentale accessible, délectablement attirante et on ne peut pas s’empêcher de repérer des sujets toujours d’actualité. L’étudiant se retrouvera dans les inquiétudes éprouvées par les compagnons manifestants de Moreau. Tout concourt à créer des ambiances précises allant du lyrisme romantique d’une rencontre impromptue à la violence des manifestations dévastant Paris ou l’ambiance sulfureuse des cabarets fréquentés par l’amante de Frédéric. Les deux talentueux artistes-musiciens nous offrent aussi des performances musicales live qui dynamisent et confèrent une puissance certaine à ce roman d’initiation.

Une performance lyrique pleine d’engouement, photo de Pascal Gély

La pièce fait un travail admirable sur la condensation du roman en se focalisant sur comment la passion, parfois dévastatrice, peut habiter des jeunes gens de manière très différentes : ainsi la fumée présente sur scène rime à la fois avec amour et destruction. On en oublie presque l’époque tant tout résonne avec notre époque, et on se retrouve dans ce jeune homme qui essaye de se mouvoir et de se construire dans une société toujours changeante. En tant que spectateurs on ressent petit à petit de la rancune envers l’inertie de notre héros mais qui rappelle aussi l’inertie que l’on peut parfois avoir face aux difficultés de ce monde.

Ce n’est qu’à la fin de la pièce que le charme est brisé et que l’on ressort du Théâtre de Poche Montparnasse les yeux ébahis, un grand sourire aux lèvres et les oreilles bercées d’une douce mélodie.

Clara Alle

Photographies de Pascal Gély

Adaptation libre de Paul Edmond

Théâtre de Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

Du mardi au samedi 19h, dimanche 15h – Tarif plein : 28 euros/ tarif réduit : 22 euros/ – de 26 ans 10 euros – Durée 1h20