L’envol

L’envol
ou le rêve de voler.

Ça commence avec un Christ héliporté qui survole les terrasses de Rome où de jolies Romaines en bikini saluent son passage en offrant leur quasi nudité au regard du Rédempteur. Dolce Vita premier envol vers une liberté des corps et des esprits.
Plus loin, dans l’ultime exposition de la Maison Rouge, timide, pas très spectaculaire, silencieuse, une cage à oiseaux a ouvert en grand son unique porte. Envol !
L’oiseau s’est envolé. Il a repris sa liberté, il a retrouvé le désir de voler, le rêve de voler.
La Maison Rouge est devenue jusqu’à la fin du mois d’octobre le grand tarmac
où se pose le rêve d’Icare, où atterrissent les rêves réalisés bien qu’irréalisables d’artistes-ingénieurs-mécaniciens-sculpteurs-poètes … souvent un peu fous.

Désir de voler pour de vrai. S’abstenir. Tout rêve de voler pas assez fou. S’abstenir.
Ici on s’arrache du réel et on dit merde à Newton.

À la Maison Rouge on présente tout ce qu’Antoine de Galbert a pu réunir d’objets insolites, improbables, poétiques (mais assez peu scientifiques) que leurs créateurs ont vu comme autant de possibilités de s’arracher si peu que ce soit à la terre, de léviter, de sauter, de bondir et rebondir, danser, marcher sur un fil et … rêve absolu,  s’envoler et même voler.

Les amateurs d’art pauvre, brut ou modeste connaissent  pour les avoir vus à Lausanne, à Villeneuve d’Ascq ou ailleurs, un grand nombre des artistes que présente la Maison Rouge. On y voit, on y retrouve les rêves de ces merveilleux fous voulant de drôles de machines entre autres : Dieter Appelt, Henry Darger, Nicolas Darrot, Hervé di Rosa, Didier Faustino, Agnès Geoffray, Rebecca Horn, Eikoh Hosoe, Ilya et Emilia Kabakov, Stéphane Thidet, Panamarenko, Philippe Thomassin, Adolf Wölfil sans compter tous ces créateurs inconnus qui depuis l’aube de l’histoire, partout dans le monde ont rêvé de quitter la terre ou l’ont préparé à recevoir  les habitants venus des étoiles.

Tout de suite après le survol de la ville éternelle par le Christ, dans le patio nous attend, prête au décollage, une fusée qui ressemble à celle de Tintin moins les couleurs. Plus loin un merveilleux vélo volant, à côté d’un homme qui tente d’élever ses pensées la tête arrimée à un ballon gonflé à l’hélium. Plus loin encore un étrange coléoptère à mi-chemin entre le drone et l’ULM. Ailleurs on croise Nijinsky qui fut oiseau de feu et Serge Lifar non loin d’une statuette de Rodin qui tentait de saisir le mouvement de l’envol. Au sous-sol, je crois, une capsule spatiale – en bois – s’est posée tandis qu’au rez-de-chaussée un visage de femme extatique s’exfiltre du réel. Le LSD était un aéronef commode. Les voyageurs étaient nombreux. Tout au long du parcours des ailes pourvues d’homme et parfois des hommes pourvus d’ailes, de grandes élytres parfois inquiétantes, des oiseaux tutélaires venus du Mexique ou d’Égypte et enfin à la sortie ou presque, au-dessus de nos têtes, les gentils personnages bigarrés de di Rosa en route pour un vol collectif.

Merci Antoine de Galbert pour cet ultime feu d’artifice.
Merci monsieur le collectionneur derrière la porte
merci d’avoir inventé votre Maison Rouge.

Jusqu’au 28 octobre 2018

La Maison Rouge
10 boulevard de la Bastille
75012 Paris
tous les jours (sauf lundi et mardi) de 11h à 19h
nocturne le jeudi jusqu’à 21 h

Pierre Vauconsant