Les mystérieux nuages de Laurent Grasso à l’Abbaye de Jumièges

À l’occasion du festival Normandie Impressionniste, au sein de la programmation contemporaine, Laurent Grasso questionne les préceptes du temps et conceptualise la notion de nuage. Clouds Theory installe, jusqu’au 29 septembre, une ambiance inquiétante et mystérieuse à l’Abbaye de Jumièges.

Invité par le département de la Seine-Maritime, Laurent Grasso, artiste pluridisciplinaire, met en relation les vestiges de l’abbaye avec sa propre vision de l’impressionnisme. Le réalisateur de films, de peintures, de sculptures et de photographies démontre comment l’art contemporain peut s’approprier le mouvement d’art né en 1874. Il y incorpore l’histoire mouvementée de l’abbaye normande. Comme une jonction entre le passé, le présent et le futur. 

Si à première vue le lien n’est pas évident, des passerelles s’entrevoient au fur et à mesure des installations (sculptures, néons, films, peintures). Si l’artiste s’attache à une époque plus ancestrale que l’impressionnisme, le motif du nuage, souvent représenté chez les peintres impressionnistes, est ici le fil conducteur de l’exposition immersive à ciel ouvert. Poétiques ou synonymes de danger, les nuages laissent planer une atmosphère énigmatique et anxiogène dans les ruines et dans le logis abbatial.

Dès l’entrée dans la nef, six nuages en cuivre posés à même la terre, tel un ciel qui s’effondre, reflètent la ruine romantique telle qu’elle est aujourd’hui côté face. Côté pile, le travail au feu du chalumeau évoque les péripéties destructives qu’a subies l’abbaye au fil des siècles. Le feu, symbolisé aussi sous forme de flamme en néon, est parsemé sur les murs encore debout. L’embrasement est total à la tombée de la nuit.   

L’artiste joue avec le feu, mais aussi avec le temps. En témoignent les dates clés de l’histoire du passé ou du futur (plus ou moins proches) qui évoquent quelques-uns des grands évènements majeurs de l’humanité ou plus intimement liés à l’abbaye. 

Clouds Theory se poursuit dans l’ancien logis abbatial dans un univers sombre et mystérieux. Trois films (Orchid Island, 2023, Artificialis, 2020, Otto, 2018) y sont projetés sur fond de musique angoissante. Le spectateur hypnotisé est propulsé hors du temps dans des contrées lointaines plus ou moins identifiables.  Le magnétisme et l’effet déroutant de ces atmosphères questionnent notre rapport au futur sur les aspects des phénomènes climatiques provoqués par les Hommes ou non. En résonance avec les films, des peintures figent plusieurs sortes de nuages dans des décors du passé ou bien entrent en contradiction avec une nature luxuriante. Elles agissent comme un rappel de la menace qui flotte au-dessus des têtes. 

Extrait du film Orchid Island :

L’envoutement de ces cumulus se retrouve aussi dans les sculptures disposées çà et là. Ces installations marquent l’intérêt de l’artiste pour les systèmes et les principes des ondes électromagnétiques et les théories parascientifiques.

Laurent Grasso est un artiste français dont le travail est reconnu à l’international. Il fut résident de la Villa Médicis à Rome en 2004 et Lauréat du Prix Marcel Duchamp en 2008.

L’Abbaye de Jumièges, considérée comme la « plus belle ruine de France », a été érigée en 654 par saint Philibert. D’une architecture romane, elle est l’un des plus anciens et des plus importants monastères bénédictins de Normandie.

Mathilde Seng – texte et photos

Clouds Theory, du 25 mai au 29 septembre 2024

Abbaye de Jumièges, 24 rue Guillaume le Conquérant, 76480 Jumièges

Ouvert tous les jours. De 9h30 à 18h30, du 25 mai au 15 septembre. De 9h30 à 13h et de 14h30 à 17h30, du 16 septembre au 29 septembre