Mademoiselle Molière

Créée à Avignon puis présentée au Lucernaire pendant quelques semaines, Mademoiselle Molière, installée au Théâtre Rive Gauche depuis la fin janvier, s’engage comme une comédie à l’italienne. On y découvre l’envers du décor, de cette relation complexe entre Jean-Baptiste Poquelin et Madeleine Béjart, sa compagne –favorite devrait-on dire, vous le comprendrez à la lecture de cette chronique–. Molière savait pouvoir s’appuyer sur une partenaire solide, méthodique, le libérant de biens des contraintes logistiques et budgétaires, au-delà du fait de partager la scène avec lui. Molière était un créateur dans l’âme, cela ne fait aucun doute. Comme beaucoup d’autres génies, il était pris d’un besoin irrépressible d’écrire et d’écrire encore, trop conscient de son talent et trop esclave de son envie de plaire, au bon peuple comme au roi.

Alors Madeleine se chargeait de tout le reste. Elle acceptait assez bien sa condition, à devoir travailler dans l’ombre pour que toute la lumière irradie un auteur et comédien qui n’aimait d’évidence pas partager la gloire. Anne Bouvier campe une Madeleine dans toute la palette du jeu. Drôle, gouailleuse, inquiète, bouleversée, résignée… en une heure  quinze de spectacle, la comédienne passe par tous les sentiments que peut éprouver la femme amoureuse, capable de la plus grande abnégation au point d’accepter bien malgré elle que celui qui partageait sa vie, décide de la refaire avec une autre, plus jeune cela va de soi.

Le spectateur bascule avec délice de l’amusement à l’émotion dramatique, pendu aux lèvres d’Anne Bouvier et du merveilleux comédien, Christophe de Mareuil, qui lui donne la réplique, tour à tour tendre, enflammé puis fat et impitoyable. Nous n’en dirons que peu d’une scénographie alternant les scènes d’intimité du couple et ses déchirements et celles où ils se produisent sur scène, lui pétri d’ego, elle contrainte à faire bonne figure malgré la trahison et l’ouvrage assassin du temps qui passe. Cette pièce, par la précision historique de ce qu’elle raconte, au travers de dialogues ciselés, mêle avec intelligence, classicisme et modernité –intemporalité même– du sujet qu’elle traite. Vents d’Orage a souhaité rencontrer Anne Bouvier pour qu’elle vous dise la jubilation qui est la sienne à monter chaque soir sur les planches pour incarner un personnage aussi riche :

Le pitch : Aimer la mère ou épouser la fille…

En 1661, avec le succès des Précieuses ridicules, Jean-Baptiste Poquelin devient Molière. La même année, il décide de quitter sa maîtresse, Madeleine Béjart, pour épouser la fille de celle-ci, Armande.  Elle a vingt ans de moins que lui. Vingt ans, c’est le nombre d’années durant lesquelles il a adoré Madeleine…

Folle passion, mariage d’amour, mariage d’intérêt ? Comment Molière l’apprend-il à sa compagne ? Comment réagit-elle ?

À l’époque, l’événement choque et provoque la raillerie. Le couple formé par Molière et Madeleine, où le génie et l’amour du théâtre sont mêlés, se révèle à la fois moderne, drôle, douloureux, marquant à jamais l’histoire du théâtre.

David Fargier – Vents d’Orage

Mademoiselle Molière

Auteur : Gérard Savoisien

Mise en scène : Arnaud Denis

Avec : Anne Bouvier et Christophe de Mareuil

Jusqu’au 25 mai 2019, du mardi au dimanche au

Théâtre Rive Gauche

6 rue de la Gaîté

75014 Paris