Nouvelle de Nicolas Jolivalt
Chapitre 2.
Je contemple mon verre de vin, interdit face à cette robe trop rouge. Autour de moi, rien ne bouge. Le brouhaha, discussions inutiles et sans saveurs, m’inonde, se confond à tout mot, à tout va. Les lumières de la ville se noient dans le reflet de la vitre. Réconforté par les couleurs tamisées, je m’angoisse à mes sombres idées.
Mon portable sonne et m’extirpe du vagabondage de mes pensées et me ramène à la réalité. J’y réponds sans grande conviction. Ma mère en pleurs. Phrases entrecoupées. Je préfère rester seul. Sans grande attention, j’entends la mort frapper. Mon frère va mourir.
Le ciel devient moribond. La pluie cogne contre la vitre. Le verre de vin est vide. Les ombres qui m’entourent s’évaporent, me laissant seul. Mes larmes tombent sur la table. Je me lève, l’œil hagard. Mes jambes tremblent. Je t’ombre.
Des voix. Des secours. Mon âme encourt des nuits sans toi. Mon frère a souri une dernière fois. Des prières l’ont accompagné. La chambre d’hôpital s’est éteinte. A l’extérieur, la pluie s’abat sur le bitume, le vent s’est levé. La nature apeurée s’abîme à nos côtés.
Un canif dans ma poche. Mon ventre est son fourreau. La fin est proche. J’ôte mon manteau.
Je m’éveille en sueur. Quatre heures du matin. Le cauchemar a pris fin. Des appels manqués, des messages sur le répondeur. La lune est éteinte. Je me lève lorsque mon corps se fige dans le noir, la douleur m’éreinte. Le sang des songes s’écoule sur les draps. Le rouge m’émerveille et la douleur devient douceur, annonçant sans doute l’heure de la Mort. Elle ouvre ses bras. Fermant les yeux, je me laisse bercer par le tic-tac de l’horloge, oubliant ainsi le vide qui s’empare de moi. Les nuages déversent leur eau sur le carreau.
J’ouvre les yeux en pleine matinée. Je palpe mon ventre, je ne porte aucune trace de coup de couteau. Je reste prostré toute la journée, m’aliénant aux lames d’acier, obsédé par la sensation ressentie dans la nuit. Rien n’y fait. Je craque alors une allumette pour, de cette journée, faire une fête. L’essence se déverse, l’étincelle me bouleverse.
Le feu lèche l’appartement. J’ai peur de mon mécontentement.
Je cours… Les arbres… Je m’arrête, haletant… L’éternité m’observe, me condamne. La lueur des flammes vient jusqu’à moi alors que mon frère se consume lentement. Je cours… le loup me rattrape… Silencieux et angoissé à la fois, je reste immobile, caché derrière un arbre… Haletant… Le loup m’attaque. Le ciel se déchire, il m’étripe. Je reste observateur de son repas. Léchant ses babines, il s’en prend à mon foie. Mon frère est devenu poussière d’étoile.
Je sors de mon sommeil, avec des crampes dans le ventre. Les bouteilles de vin vides empiètent jusque sous mon lit. Il faut que je sorte d’ici.
(à suivre…)