Nouvelle de Nicolas Jolivalt
Chapitre 3.
On ne me parle pas. On ne me regarde pas. On doute de moi. On refuse de me voir. On détourne le regard. Je change de cauchemar. Une trop grande solitude s’empare de moi. Je crains qu’on ne m’aime pas. Le loup, au bord de la route, a dévoré ce cœur. On me déteste en douceur. La misanthropie m’envahit.
Mes douleurs attendent leur heure. Le heurt des mots me flingue le corps encore et encore.
Le ciel devient rouge. Les ombres des ailes se noient sous la voûte céleste. J’étouffe.
Dans le train, en direction de Toulouse, j’ai le fol espoir de perdre mes désillusions parisiennes, pourtant si douces. J’accuse le coup, me retrouvant seul dans la ville rose. Je fuis ainsi mes démons harceleurs dans l’espoir qu’ils perdent ma trace. Mon avenir se joue dans cette impasse. Dans l’attente impatiente d’un regret, j’ose un nouveau départ.
Loin de mes mondes de miroirs, la lumière n’entre plus dans ma vie. Mes fantômes me découvrent tapi dans la pénombre, dans l’air du soir. En pleurs.
De ma fenêtre, j’aperçois la Garonne, cette eau troublante qui chuchote aux hommes, s’ocrant à l’automne. Les habitants rient aux terrasses des cafés, alors que je reste coincé dans mon antre, apeuré. Dans l’immeuble en face, des voisins discutent, mangent, vivent. L’odeur de cuisine vient jusqu’à mes narines. Je les contemple. Mon mal de ventre me surprend. Je tourne dans le vide, du salon à la gazinière. Rien pour se nourrir. Mes démons se mettent à rire.
J’ouvre le gaz et attends l’enfer. Des masques arrivent… Bouteilles d’oxygène… Gyrophares… Ma vie est un hasard. Je m’oxyde. Je me gêne.
La Garonne, mon désir.
Je me réveille. Ce soleil si chaud se serre contre ma peau. Ces cauchemars incessants fécondent ma réalité. Un poignard à mes côtés.
Des insectes prennent possession des lieux. Les cafards grouillent jusque sur mon lit. Je fuis devant eux. Je quitte l’appartement, et traîne dans la rue. Je parcours les ruelles du centre ville, affamé et tendu. L’angoisse me prend, dès que la nuit tombe, de retrouver ces compagnons d’infortune. Je ne dors plus. Je bois et je fume. Au dehors, la pluie. Fine.
Des factures impayées inondent le parquet. Pour fuir cette réalité pesante, je dors la journée et vis la nuit. Oiseau nocturne. J’épie les ombres qui hantent la lune. Je reste aux aguets.
Le couteau tremble à chacune de mes respirations. Je reste figé devant tant de beauté. La douceur de la lame caresse mes boyaux. J’entends la rumeur de la ville, mélodie du chaos. Je reste en vie. Je fuis la raison. Je caresse le manche, jusqu’à la base du gouffre béant. J’y glisse un à un mes doigts. Rouge éclatant. Je lèche mon index, rouge sang.
Je me vide d’alcool. Je m’effondre sur le sol. Soudain le temps s’arrête. Mon cœur, enviant ce repos, ralentit ses battements.
Je m’éveille au milieu de l’appartement. Des bris de verre, étoiles déchues, gisent à mes pieds. Je les ramasse tendrement. Je me coupe les doigts gorgés d’eau. Suturé, je vis dans un désert saturé de mes pensées. Mon énergie s’exsangue. Je me fane et je tangue. Le gang des ombres veulent ma peau.
Mes ongles de plus en plus rongés. Leurs ombres font des traces ciselées sur le parquet. J’imagine des fantômes tranchants poursuivant mes sentiments. Je fuis de l’appartement. Je hurlant. Pieds nus. A moitié nu.
Je cours. Le loup aux abois me pourchasse. Dans le froid, la rue est déserte, le loup implacable m’arrête. A genoux, je prie ce sauveur. En pleurs.
Les maux qui m’habitent deviennent des amis. Ces loups, des ancres dans la nuit. J’en oublie mes responsabilités. Place Esquirol, je perds ma liberté.
Je vais sur le pont. La Garonne à mes pieds, je crie son nom. Puis je me réfugie dans une église. Je me risque aux loups enchantés. Je m’alcoolise.
To loose à Toulouse.
Amaigri, je retourne à Paris. Retrouver mon gris. Sa pollution et sa mine triste. Stress. Un nouveau test. Nouvelle vie. Parti pris.
(à suivre…)