Nouvelle de Nicolas Jolivalt
Chapitre 4.
L’épreuve à Toulouse m’a meurtri. Sans un sou, je revis auprès de ma famille. L’année écoulée reste tabou. Mon corps m’a affaibli. Je suis presque fou. En proie aux démons, je reste inerte. Je n’évolue guère.
Je passe mon temps en forêt, traquant les elfes qui s’y cachent. Je ne veux plus rester à ma place. Le ciel est lumineux. Des nuages jouent avec le soleil. Le temps est doux. Je me sens proche d’eux. Bientôt, je vois des étincelles. Tout devient flou.
Les arbres dansent autour de moi, tout autour est fou. Je me cache dans les fougères. La paresse des lacs me détend. Je me laisse aller aux rêveries bleues et vertes. Je m’allonge sur les racines. Les cimes des arbres me fixent étrangement. Ces lacs deviennent torrents. Pluie fine. Le monde des elfes me hante maintenant. Je me réfugie au domicile.
La ville, sculptée d’acier, trop bétonnée, touche le ciel. Les marteaux-piqueurs, douce mélodie du bonheur, s’en prennent au bitume. La ville se tord. Je me rendors.
La jungle urbaine me fait peur.
Les insectes se pressent dans mes cauchemars. Araignées et autres cafards. Leurs pattes et leurs antennes me détectent. Il faut que ça s’arrête. A l’extérieur, le brouillard.
La douceur des nuages enveloppe les immeubles. La Tour Eiffel en est décapitée. Les hommes, s’engouffrant sous terre, attendent, dépités, la fin de l’été. Un poignard à mes côtés. La fin approche, je m’y accroche. L’humanité est atroce. Temps interminable, je me sens minable. Je tremble.
Je m’enferme dans la salle de bain, havre de paix. J’ouvre les robinets. L’eau chaude remplit la baignoire. Vapeur. Brouillard. Je me glisse dans la chaleur, nu. Mon corps se dissimule sous les volutes. Dans le bain, je bascule. Ma tête plonge la première. Nettoyer mes sales idées et mes angoisses. L’onde stagnante me calme. Je m’y endors, emmitouflé.
Je ressens un coup de poignard. Un filet de sang s’échappe. La douleur me prend au cœur. Je hurle. La plaie est brûlure. Morsure du couteau.
La lame perle de sang. Goutte à goutte. Le fluide de mes entrailles est béni. Perfusion tranchante, lente agonie.
Mon reflet sur le miroir embué. Mon corps imparfait, visage quelconque. Regard noir. Yeux gonflés. Teint blafard. De l’autre côté du miroir, mon double me sourit, satisfait de mon malaise. J’ai la nausée. Je vomis dans l’évier. Des larmes. Je retiens mes cheveux, j’expulse le mal qui me ronge. Mon image griffe la glace. Cicatrice sur mon visage.
Mon enfance ressurgit soudain. Je cours. Les trottoirs défilent sous mes yeux. Je traverse les rues, évitant les voitures. Les insultent fusent. Je trébuche. Je tente de me relever. Trop tard. Les coups pleuvent. Recroquevillé. Je protège mon visage.
Cruauté de mes camarades. Ma vie est une mascarade. Torturé, entre les mots, mon quotidien se cogne contre leurs injures.
Collège. Couloirs interminables. Je rase les murs. Des blessures.
Je sature.
Je rêve de couteaux et de cordes. Me défendre ou me pendre. Finalement je me rends.
Je sors. Le ciel est clair, des nuages le parsèment. La chaleur du soleil réchauffe mon corps. Je fume une cigarette. Sa fumée virevolte, danse au gré du vent. A pleins poumons, je respire cette nicotine et son chaud goudron. Il faut que je quitte cette ville ; je ne m’y sens pas en sécurité. Mon passé ne me pardonne pas. J’arrive à la gare. Je longe les rails de la liberté.
Mon corps est secoué par la vitesse des trains. Ils me frôlent à chaque passage. En équilibre sur la ligne, ils tranchent mes mains. Le sang gicle sur mon visage.
Je sursaute. 4 heures du matin. Je regarde mes mains. Intactes. Pas d’impact. Le bruit de l’horloge égrène les secondes. Tic… Tac…
(à suivre…)