Meilleurs alliés

Meilleurs alliés

Je dois bien le reconnaître, je me suis surpris moi-même à aller voir ce spectacle. Pourtant grand amateur d’Histoire et tout particulièrement de celle de la seconde guerre mondiale, il m’a fallu entendre les premiers échos positifs en provenance du Festival d’Avignon avant que de me rendre rue de la Gaîté, assister à la représentation de ce qui s’est avéré une bien belle surprise. D’abord un peu gêné aux entournures par l’accent à couper à la hache du comédien incarnant Churchill autant que par la truculence trop immédiate du personnage, on finit bien vite par se délecter de ce combat de coqs. Car c’est bien d’un combat de mâles pas toujours honnêtes avec eux-mêmes dont il s’agit. Le metteur en scène et l’auteur, dans leur note d’intention, font logiquement référence à cette relation d’amour-haine qui s’instaura entre ces deux géants, l’un d’un optimisme farouche, l’autre à la vision sombre et fataliste de l’avenir de leurs nations.

© Pascal Gely

Deux géants, mais deux hommes, deux humains avant tout. Ils tergiversent, jouent parfois la veuve effarouchée pour ne pas céder trop vite aux avances d’un adversaire qu’ils n’ont d’autre choix que d’accepter comme un allié. Les rebuffades et acrobaties Churchill et de Gaulle laissent le spectateur pantois, se demandant où était réellement l’ennemi dans ce carnage du milieu de siècle. Une mise en scène portant des comédiens quasi shakespeariens, plongés dans un comique de situation que l’on n’attend pas en de pareilles circonstances. Les précieuses ridicules trônent sur leurs épaules comme de mauvais génies.

© Pascal Gely

Cette pièce regorge d’éléments désuets. Mais ne vous y trompez pas. Désuétude ne signifie pas ringardise. Se juxtapose souvent à la désuétude un charme nostalgique qui ne manque ni au décor -permettant d’abord un affrontement direct puis des entrechats par diplomates interposés-, ni aux comédiens investis dans leurs incarnations historiques jusqu’à en provoquer le trouble chez celui qui les observe. Ce qui ne figurait pas dans la note d’intention et constitue pourtant l’intérêt majeur d’une telle création artistique, tient au côté prophétique que ces leaders politiques et guerriers manifestaient alors, presque malgré eux diront certains. Pas totalement car ce serait leur ôter une compréhension bien réelle de ce qui se jouait en 1944, bien au-delà des frontières européennes et attendait le Monde, de la guerre froide au consumérisme. Ne dit-on pas que pour lire l’avenir, il faut d’abord bien comprendre le passé… au risque de ne pas (bien) s’occuper du présent, diront les plus pragmatiques.

© Pascal Gely

Le pitch :
Le 4 juin 1944, Churchill convoque de Gaulle à Londres pour lui faire part de l’imminence du débarquement des troupes alliées en Normandie.
De Gaulle est furieux : la France libre est écartée de la plus grosse opération militaire de tous les temps, qui aura lieu sur les côtes de France.
La rencontre se passe très mal. Au point que Churchill envisage d’enfermer de Gaulle quelque part en Angleterre. Un face-à-face orageux entre deux monstres de l’Histoire, qui éprouvent l’un pour l’autre un mélange d’estime et d’agacement, de fascination et d’exaspération.

© Pascal Gely

Meilleurs alliés
Auteur : Hervé Bentégeat
Mise en scène : Jean-Claude Idée
Avec : Pascal Racan, Michel de Warzée, Laurent d’Olce, Denis Bernier
Crédits photos : Pascal Gély

Jusqu’au 18 novembre 2017

Théâtre du Petit Montparnasse
31 rue de la Gaïté
75014 Paris
Réservations

David Fargier – Vents d’Orage