Mise en lumière d’une amitié brève mais féconde
Le Musée Zadkine dédie une exposition à l’amitié artistique qui a lié le sculpteur Zadkine et le peintre Modigliani. Les influences et divergences artistiques des deux artistes sont présentées au sein du charmant atelier qui fut le lieu de vie du sculpteur Zadkine et de sa femme Valentine Prax dès 1928. En arrière-plan, l’exposition nous plonge dans le Montparnasse artistique effervescent des années 1910-1920.
Deux artistes étrangers débarquent à Paris avec le même rêve de devenir sculpteurs. L’Italien Amedeo Modigliani, né à Livourne en 1884, arrive à Montmartre en 1906. Ossip Zadkine, d’origine biélorusse, né à Vitebsk en 1888, s’installe à Paris en 2010, dans le quinzième arrondissement.
En 1913, Zadkine et Modigliani qui sont désormais tous deux installés au cœur de Montparnasse se rencontrent et se voient régulièrement. Ils fréquentent des bars tels le Dôme ou la Rotonde et sont entourés d’artistes et d’intellectuels qui font de Montparnasse un haut lieu artistique de la capitale. L’exposition nous fait revivre l’époque en soulignant de nombreuses références : Brancusi, Apollinaire, Blaise Cendrars, Picasso, Robert et Sonia Delaunay, Max Jacob, Chaim Soutine…
Dès 1914, la Première Guerre Mondiale éloigne les deux amis qui décident de s’engager dans l’armée française. Seul Zadkine y parvient et est envoyé en Champagne, Modigliani est lui réformé pour sa santé fragile.
Victime d’une attaque au gaz, Zadkine revient à Paris en 1917, réformé à son tour et retrouve son ami. Soutenu et encouragé par ses marchands à peindre des portraits et des nus, Modigliani est alors en passe de devenir célèbre.
En 1918, les chemins des deux artistes divergent à nouveau. Zadkine quitte Paris pour se réfugier dans le Quercy et Modigliani rejoint le sud de la France. Les deux artistes ne se recroiseront que brièvement en 1919 sans jamais renouer leur complicité d’antan. Début 1920, lorsque Modigliani meurt prématurément d’une tuberculose à l’âge de 35 ans, Zadkine, qui vient de rencontrer sa future femme Valentine Prax, ne participe pas aux funérailles organisées par une poignée d’amis du peintre.
Zadkine poursuivra une longue et fructueuse carrière de sculpteur avant de s’éteindre en 1967 à l’âge de 79 ans.
Si l’exposition illustre donc une amitié de bien courte durée, elle met néanmoins très nettement en évidence les liens artistiques qui ont noué les deux artistes, figures majeures des avant-gardes. Sont rassemblés pour l’occasion des prêts exceptionnels de grandes institutions : le Centre Pompidou, le musée de l’Orangerie, les Musées de Milan, Rouen et Dijon ainsi que des prêteurs privés. Près de 90 œuvres, peintures, dessins, sculptures ainsi que documents et photographies d’archives offrent des regards croisés sur les réalisations des deux artistes.
Sous l’influence de son marchand, Paul Guillaume, Modigliani avait délaissé la sculpture dès 1914 pour se consacrer au dessin et à la peinture. Malgré des pratiques artistiques alors divergentes, l’art du peintre et celui du sculpteur s’expriment autour d’une même passion pour la beauté féminine. Les compétences de sculpteur de Modigliani se lisent parfaitement dans ses peintures, favorisant la comparaison artistique entre les deux hommes. Outre le nu féminin, un thème récurrent de leurs oeuvres respectives, l’influence du cubisme et de l’archaïsme crée des ponts entre leurs productions artistiques. Yeux en amandes, sans pupille, nez en trapèze, cariatides..autant d’inspirations communes qui font se rejoindre l’art du peintre et celui du sculpteur. La dernière partie de l’exposition interroge le rapport des deux amis à l’architecture, en évoquant un des rêves de Modigliani : le projet d’un temple en l’honneur de l’Humanité, une scénographie en point d’orgue de l’exposition.
Si la notoriété de Modigliani, figure mythique de l’art moderne, a incontestablement dépassé celle du sculpteur Zadkine, cette exposition offre, tel un ultime témoignage d’amitié, une mise en lumière égale des deux artistes.
Béatrice Huou
Commissariat : Cécilie Champy-Vinas, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Zadkine, et Thierry Dufrêne, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université Paris Nanterre
Du 14 novembre 2024 au 30 mars 2025
Musée Zadkine, 100 bis, rue d’Assas, 75006 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermeture du musée le lundi et certains jours fériés. Fermé le 25 décembre, le 1er janvier.
Réservation en ligne : billetterie-parismusees.paris.fr