« Il n’y a rien qui soit si utile dans un État que la musique. Il n’y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse. » Molière, Le Bourgeois gentilhomme (I, 2)
Plus d’un tiers de l’œuvre de Molière, douze comédies et une tragédie, sont des comédies-ballets où se mêlent des intermèdes de chants et de danses. Grâce aux collections de la Bibliothèque nationale de France, de l’Opéra et de la Comédie française, l’exposition explore les conditions d’émergence de la comédie-ballet et la place de ce genre dans les représentations de Molière qui sont faites jusqu’au XXème siècle. La commissaire d’exposition, Laurence Decobert, interroge la manière dont les metteurs en scène, les compositeurs et les chorégraphes, se sont réappropriés ces pièces au fil du temps.
De nombreux objets de l’exposition : estampes, gravures, instruments, partitions et textes manuscrits, illustrent l’émergence de la comédie-ballet au XVIIème siècle.
De 1664 à 1671, Molière collabore avec Jean-Baptiste Lully, surintendant de la Musique de la Chambre du roi et le chorégraphe Pierre Beauchamps. Une partition manuscrite originale du Bourgeois gentilhomme témoigne de la collaboration étroite entre Molière et Lully. Pour réaliser sa dernière comédie-ballet, Le Malade Imaginaire, Molière fait appel au musicien Marc-Antoine Charpentier. Très exceptionnellement pour l’époque, sa partition est conservée.
La plupart des comédies-ballets ont été commandées par Louis XIV qui apprécie ce genre. Elles sont représentées à l’occasion de fêtes et de divertissements de cour avant d’être rejouées pour les parisiens au Palais-Royal. Les commandes du roi répondent à un plaisir esthétique mais aussi à une fin politique. Elles donnent une impression de grandeur et de magnificence aux visiteurs étrangers. Des estampes et des gravures publiées sous le contrôle de Jean-Baptiste Colbert immortalisent les représentations de certaines comédies-ballets et donnent une idée de leur richesse. Une étonnante estampe deFrançois Chauveau, Les plaisirs de l’île enchantée (1664), représente les acteurs de la troupe de Molière figurant les saisons : le Printemps sur un cheval, l’Été sur un éléphant, l’Automne sur un chameau et l’Hiver sur un ours.
L’exposition s’intéresse ensuite à la reprise des comédies-ballets et à l’usage de leur musique au fil des siècles. À partir des années 1850, on redécouvre les musiques originales de Lully et de Charpentier. Les compositeurs s’emparent alors des partitions pour créer des œuvres nouvelles, comme en témoignent les manuscrits originaux de l’exposition. En 1892, Camille Saint-Saëns reprend et complète la musique du Malade imaginaire, tandis qu’en 1944, André Jolivet y intègre des morceaux de ses propres compositions. Au début des années 2000, des metteurs en scène s’affranchissent de la musique originale et font appel à des compositeurs spécialisés dans les musiques de films ou de scène tels que Maurice Jarre ou Georges Delerue.
Au XXème siècle, Serge Diaghilev, fondateur des Ballets russes, inaugure une série d’adaptations chorégraphiques. À partir d’un argument de la comédie-ballet Les Fâcheux, il confie la chorégraphie à Bronislava Nijinska et la musique à Georges Auric. Le peintre cubiste Georges Braque réalise les décors dont une maquette est exposée.
En 1952, Serge Lifar et Robert Manuel s’approprient Les Fourberies de Scapin pour en faire une « comédie chorégraphique » : une maquette de costumes enrichit cette exposition. Les spectateurs découvriront aussi des photographies rares, des partitions d’orchestres autographes et de nombreux autres objets qui rendent compte de cette reprise sans cesse renouvelée de l’œuvre de Molière.
Perrine Decker
Du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023
Bibliothèque-musée de l’Opéra, Palais Garnier, 75009 Paris
Ouvert du lundi au samedi de 10h à 17h