Monkey Money
Pour avoir évolué pendant une vingtaine d’années dans le monde de l’entreprise, le moins que l’on puisse dire est que Carole Thibaut la dépeint avec une acuité remarquable.
On s’y croirait, avec ces grands messes où l’on vous chante sur tous les tons que vous appartenez à une grande famille, que les valeurs qui y sont partagées n’ont nulles autres égales, que l’altruisme est de mise pour le meilleur et le bien de tous, salariés et clients embarqués dans la merveilleuse aventure communautaire n’ayant d’autre objectif que l’épanouissement, la joie, la satisfaction, bref… le bonheur total.
Il s’agit du monde fabuleux de l’utopie que d’aucuns croient qu’il n’existe pas. Tout y est : les inflexions de voix, les messages enflammés, le faste, les cotillons… La pièce montre dans une frénésie jubilatoire que la banque et les crédits qu’elle propose… c’est vachement bien.
Ce conte moderne présente et oppose, dans une cité pas si imaginaire que cela, deux mondes séparés par un mur de plexiglass. D’un côté les nantis, de l’autre les laissés pour compte. Les seconds n’ayant d’autre choix que de faire appel aux premiers puisqu’il faut bien consommer, que voulez-vous. Alors certains rêvent de franchir le mur, de gravir les échelons pour peut-être un jour, qui sait, être enfin reconnu et adoubé par la Famille.
L’auteur et metteur en scène prend un plaisir communicatif à moquer ce miroir aux alouettes. La scénographie d’une grande originalité sert efficacement le propos tenant à dire combien le chemin conduit vers l’abîme. Certes, le mur se fissure, laissant croire qu’il existe bel et bien une possibilité de s’engouffrer dans la brèche pour atteindre la lumière, le graal, mais aussi et surtout l’espoir d’une possible révolution, de lendemains qui chantent. Le basculement intervient lorsque les protagonistes prennent conscience que d’un côté comme de l’autre de la barrière, leur chemin n’est que longue et vaine errance, que l’important est ailleurs, que non, l’argent ne fait pas tout et certainement pas le bonheur.
On rit beaucoup au début du spectacle puis bien vite nos mines béates se figent. La grimace devient douloureuse à suivre les pas de personnages privés d’amour. Grinçant, philosophique, social et finalement d’une cruelle universalité, cette pièce est portée par des comédiens formidablement investis à incarner tout aussi bien ce que nous croyons vouloir posséder que l’essentiel à côté duquel nous passons tous, peu ou prou.
Le pitch : « Monkey Money » est une plongée fantasmagorique au cœur d’une société livrée au tout marchand, où les êtres comme les choses se vendent et s’achètent… À la manière d’un récit d’anticipation, elle met en scène une société séparée par un mur, de chaque côté duquel évoluent, en reflets inversés, le monde des pauvres et le monde des riches. Du Call center à la forêt des contes, des festivités de la « Haute » aux bas-fonds des quartiers troubles, la pièce nous entraîne dans une traversée hallucinatoire d’un monde devenu fou, vaste marché humain qui dévore ses propres enfants…
Dans la société (imaginaire) de cette histoire, un mur sépare désormais le monde des pauvres et le monde des riches. Mais un homme, issu du monde des pauvres, va franchir ce mur et venir perturber la soirée d’anniversaire de la Bee Wi Bank, organisme de vente de crédits appartenant à une grande famille entrepreneuriale. Face au refus du Vieux Grand Directeur de Tout d’effacer sa dette, il menace de s’immoler par le feu. Et il demande à K, fille du VGDT et héritière du groupe, de s’occuper de sa propre fille Léa une fois son acte accompli. K, à mille lieux de cela, commence par refuser…
Teaser : http://www.theatre-video.net/video/monkey-money-teaser
Texte et mise en scène : Carole Thibaut
Avec : Thierry Bosc, Charlotte Fermand, Michel Fouquet, Carole Thibaut en alternance avec Valérie Schwarcz, Arnaud Vrech
Du vendredi 9 au dimanche 25 septembre 2016
La Maison des Métallos,
94, rue Jean-Pierre Timbaud,
75011 Paris
www.maisondesmetallos.org
Tournée : du 11 au 14 octobre 2016 à Montluçon – Théâtre des Ilets, Centre Dramatique National
David Fargier – Vents d’Orage