Ossip Zadkine. Une vie d’ateliers

Ouvert en 1982 grâce au legs de Valentine Prax, peintre et épouse du sculpteur Ossip Zadkine, le musée Zadkine célèbre les quarante ans de l’institution. L’exposition Ossip Zadkine. Une vie d’ateliers, est constituée d’une centaine d’œuvres, rassemblant des chefs-d’œuvre du sculpteur, des peintures de Prax rarement montrées, ainsi que de nombreuses photographies inédites d’André Kertész et de Marc Vaux. Le visiteur est entraîné dans la maison, le jardin et les ateliers des deux artistes, nichés dans la rue d’Assas.

Né dans l’actuelle Biélorussie en 1888, Zadkine arrive en 1910 à Paris, « là où l’on devient véritablement artiste, sculpteur en particulier » écrit-il dans ses Mémoires, Le Maillet et le ciseau, publiées en 1967.

Formé au travail du bois dans des ateliers d’ébénistes en Angleterre, le sculpteur apprend en France à tailler la pierre, le bronze ou encore le marbre. La première salle de l’exposition rend compte de la diversité de ces matériaux, comme en témoigne Les Trois sœurs ou Les Trois Grâces (1926), sculptée en bronze. On y retrouve également plusieurs statues d’hermaphrodite, thème qui intéresse particulièrement Zadkine, sculptées à partir de divers matériaux : Hermaphrodite en bronze (1914), Torse d’hermaphrodite en bois d’acacia laqué (1925-1931)

Pauvre, et s’installant d’atelier en atelier à ses débuts, Zadkine travaille souvent avec des matériaux de récupération, créant ainsi ses premières têtes en pierre, sculptées en taille directe. Prêtée par le musée de Grenoble, La tête de jeune fille est un des premiers marbres réalisé par Zadkine. « Le tas de détritus […] continuait à m’être source de richesses. Ainsi, une fois, y avais-je trouvé une tête de marbre à peine commencée qu’un sculpteur colérique ou déçu avait sans doute jetée […] Cette tête reste, sans doute, le premier témoignage de l’intérêt que j’avais commencé à porter à la peinture cubiste. »

Les commissaires d’exposition, Cécilie Champy-Vinas, directrice du musée Zadkine et Pauline Créteur, chargée de recherches à la Bibliothèque nationale de France, ont également voulu rendre hommage à Valentine Prax, qui, bien qu’elle soit moins célèbre aujourd’hui que son mari, a été dans les années 20, une artiste reconnue. On y découvre une huile sur verre, aux couleurs chatoyantes, La Musique, peinte vers 1925-1930. 

Les années 1930 constituent une période très féconde pour les deux artistes qui enchaînent les commandes et les expositions. Ils s’installent en 1928 dans la maison-atelier de la rue d’Assas. Dans une lettre à son ami, le critique d’art André de Ridder, Zadkine écrit : « Viens voir ma folie d’Assas et tu verras comme la vie d’un homme peut être changée par un pigeonnier, par un arbre. » Leur atelier, niché dans un écrin de verdure, est pourtant à deux pas du bouillonnement de Montparnasse. De nombreuses photographies témoignent de l’épanouissement artistique que le sculpteur rencontre là, rue d’Assas : Zadkine posant dans le jardin rue d’Assas, Marc Vaux (1931), Zadkine, posant un maillet et un ciseau à la main, près de sa Grande porteuse d’eau en bois rue d’Assas (1928-1930).

Hélas, en 1939, Prax se réfugie dans leur maison secondaire aux Arques, tandis que Zadkine, d’origine juive, s’exile aux États-Unis. La maquette en bronze de La Prisonnière, réalisée à New-York, témoigne de cette période tragique. La version finale de cette sculpture demeure la seule pièce de grande dimension crée lors de son exil. Zadkine écrit dans son journal : «  En la créant, je répondais à ma façon à un monde terriblement cuisant, de questions, de regrets, de reproches et amères réflexions sur ma vie ici, aux États-Unis. » Le tableau, Composition au crâne de bœuf (1940), témoigne quant à lui d’une période assez féconde pour Prax, qui, malgré les épreuves et la séparation avec Zadkine, s’épanouit artistiquement.

À son retour en France, Zadkine sculpte des formes plus abstraites, s’inspirant du monde végétal. L’artiste s’intéresse alors à des sujets monumentaux qui représentent la destruction de l’humanité, à l’image de La Ville détruite (1947), dont le monument sera érigé en 1953 à Rotterdam.

La visite se termine au fond du jardin, dans un atelier lumineux que Zadkine a fait construire dans les années 50. Cette décennie consacre Zadkine qui est désormais reconnu sur la scène internationale ; il reçoit le grand prix de sculpture à la biennale de Venise en 1950.

Dans ce nouvel atelier, on découvre une grande quantité d’objets personnels : outils, table de travail, livres de sa bibliothèque, accordéon, objets du quotidien…

Et c’est précisément ce mélange de quotidien et d’artistique qui fait toute la richesse de cette exposition où l’on traverse des espaces dans lesquels vie et travail, art et amour se sont croisés sans cesse.  

Perrine Decker

jusqu’au 2 avril 2023

Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris

du mardi au dimanche de 10h à 18h.

Réservations : https://www.billetterie-parismusees.paris.fr/selection/timeslotpass?productId=101935210937&gtmStepTracking=true