Pour cela il vous suffit de pousser la porte de la Jyb’Art Gallery.
Vous tomberez nez-à-nez avec des œuvres d’une douceur envahissante et troublante, à leur délicatesse touchante qui convoquent tout à la fois Éros et Thanatos avec une simplicité poétique.
Par cette expositionqui nous fait voyager et rêver au sein des Mondes Magiques, Sophie Sainrapt inaugure la Jyb’Art Gallery à Levallois-Perret. C’est en effet le lieu choisi par la galerie nomade L’œil de la femme à barbe pour accueillir les créations de cette artiste.
L’artiste a toujours admiré les femmes et les animaux, thèmes qui guident son œuvre.
Avec Les Mondes Magiques, elle partage avec plaisir ses peintures, gravures et céramiques.
Cette exposition regroupe trois séries de différentes époques mais que le fond réunit : les arts dits « primitifs » – de formes simples et pures – comme source d’inspiration.
Vous rentrerez tout d’abord au rez-de-chaussée dans l’univers de l’art funéraire Sakalava de Madagascar – un peuple composé de multiples ethnies – représenté par Sophie Sainrapt dans sa série Sakalava réalisée en 2017/2018. Elles’est associée à l’anthropologue Jacques Lombard qui a découvert cette civilisation qui l’a beaucoup touché. Enchanté par les tombeaux en bois sculpté représentants des étreintes de femmes et d’hommes, il a partagé ses photos à Sophie Sainrapt qui a tout de suite été transportée. L’artiste s’est inspirée de ses clichés et a poétiquement retranscrit les statuettes de couples qui décorent les tombes.
Les corps lui parlent, elle chante l’amour et l’érotisme au travers son œuvre. Elle réalise dix-sept dessins en pastel qui seront déclinés en peintures sur papier Arches, en gravures à la technique de Pasnic et en céramiques.
Vous serez happé, dès votre entrée, par deux triptyques majestueux où trônent des oiseaux « Mijoa » de l’île rouge aux côtés de femmes nues.
Ses treize autres tableaux réunissent des couples tantôt d’oiseaux, tantôt d’Hommes. Elle nous donne à voir un moment intime et charnel où l’acte sexuel est profondément naturel et émouvant.
Sophie Sainrapt retranscrit dans son art l’amour qu’elle porte aux corps, à leur liberté, à leur jouissance. Ces corps s’assemblent, s’entremêlent, se fondent. Ces étreintes célèbrent la mémoire de chaque mort et l’artiste leur rend hommage avec respect et bienveillance par son expression artistique. Le noir, le blanc et la couleur terre, qui tire vers le doré, prédominent pour laisser à la toile une impression de douceur et d’onirisme.
Sophie Sainrapt nous conte un ailleurs où nous berce la représentation d’un moment qui semble être un songe.
Les sept gravures exposées sont plus brutes avec des contrastes de traits et de couleurs beaucoup plus nets entre le fond blanc et les traits noirs. La poudre d’or domine, ce qui renvoie à un univers sacré.
Les céramiques, elles, sont plus lumineuses et le doré, toujours, nous évoque les feuilles d’or. Les corps en osmose brillent et resplendissent, comme déifiés.
A l’étage, la visite continue, Éros Noir (2013) et Les masques du monde (2019dialoguent.
Éros Noir est composé de sept gravures au format carré qui nous laissent entrevoir le corps ici représenté par des seins, un vagin, un phallus, parfois surplombés d’un œil, d’un nez, d’une tête et nous rappellent des sculptures africaines. Ici, les couleurs sont vives, chaudes pour retranscrire l’émoi sensuel. Les corps sont mis en scène avec respect, amour et diversité.
Ces gravures sont sans complexe et nous livrent la vision d’une enveloppe charnelle riche, abondante qui ne demande qu’à être révélée. Sophie Sainrapt rend hommage à la liberté de l’art africain, à sa représentation de la féminité.
Les peintures, céramiques et gravures des Masques du monde s’inspirent
des vrais masques d’Afrique et des Amériques. Elles nous embarquent dans un
monde magique lié au rêve, au chamanisme qui manque à l’Occident. Ces masques
colorés nous rappellent à quel point un lien avec l’univers, le cosmos, la
spiritualité est vital. L’impalpable, le surnaturel, le poétique, sont des
concepts que la société occidentale moderne met de côté au profit de la
technique et de la rationalité. Pourtant, la
scission entre deux modes de penser, le rationnel et le poétique, est source de
bien des souffrances, elle ampute l’homme de son âme pour laisser place à un
homme-machine. Mais, Sophie Sainrapt réconcilie dans son œuvre l’homme de la nature et des beautés
qu’elle prodigue.
Cette femme talentueuse recrée
des ponts, rétablit des liens entre ces deux conceptions, africaine et
occidentale, afin que la poésie vienne apaiser les maux et panser les
blessures de la violence du monde moderne.
Cette exposition accompagne la sortie du livre Les Mondes Magiques de Sophie Sainrapt dans lequel ces trois univers sont présents. Chaque série est accompagnée d’un texte de présentation, chaque œuvre d’un poème, d’une histoire. C’est l’écrivaine et artiste Marie Delarue qui nous explique à sa façon Éros Noir avec une plume franche et pleine d’humour ; Jacques Lombard, spécialisé dans l’étude de la société sakalava, accompagne dans Mémoires mêlées, les créations de la série Sakalava en nous narrant son expérience aux côtés du peuple sakalava et enfin Pascal Aubier, cinéaste et écrivain (et grand collectionneur de masques !) nous livre un récit sur Les masques du monde. Les œuvres trouvent leur écho dans l’écriture et vice-versa pour nous partager un voyage spirituel et charnel.
Un rendez-vous qui nous transporte sur un continent de splendeur sensuelle et érotique…
Mathilde Nicot
photos : Véronique Spahis
Du 19 mai au 30 juin 2021
Jyb’Art Gallery, 27 rue Jules Guesde, 92300, Levallois-Perret
Du mardi au samedi de 14h à 20h – dimanche de 14h à 19h – rencontre avec l’artiste tous les week-ends à partir de 15h30.
Lien qui vous mènera à la présentation du livre Les Mondes Magiques – Collection L’œuvre contée – Edition L’œil de la femme à barbe – 25 euros – 104 pages dont 55 photos couleurs : https://loeildelafemmeabarbe.fr/librairie/les-mondes-magiques