Pour débuter l’année 2023, la Fondation Henri Cartier-Bresson a choisi de mettre à l’honneur le travail de trois figures de la photographie moderne : Paul Strand, Helen Levitt et bien sûr Henri Cartier-Bresson, l’artiste éponyme de l’institution.
Si dans le « cube » Strand est l’unique vedette de l’exposition Paul Strand ou l’équilibre des forces, dans le tout nouveau dit « tube » les travaux de Levitt et Cartier-Bresson se partagent la scène.
Dans le cube :
Malgré sa renommée, le photographe américain n’a plus eu le droit à une rétrospective en France depuis plus de 25 ans.
Clément Chéroux le nouveau directeur de la fondation et commissaire de l’exposition, nous rappelle à raison que la dernière a eu lieu en 1997 à la Maison Européenne de la Photographie de Paris.
Pour pallier ce manque et retracer son parcours plastique,
le lieu s’est vu prêter 110 photographies de la Fondation
MAPFRE située à Madrid complétées par 10 pièces issues de la
collection du Centre Pompidou.
Ces 120 travaux ainsi que son premier film Manhatta, co-réalisé par Strand et Charles Sheeler dans les années 20, animent ensemble l’espace du cube vêtu de bleu pastel.
Le titre de l’évènement fait référence aux deux classifications traditionnelles des photographes : les formalistes et les socialistes.
Alors même que dès les années 30, les tirages de Strand manifestent d’une évidente réflexion et conscience sociale, les expositions qui lui sont dédiées continuent de le célébrer comme pionnier de la photographie formaliste, au regard de ses premiers travaux.
L’exposition invite donc à appréhender ses clichés comme une conciliation de ces deux écoles, considérées à tort comme antagonistes :
« Le présent projet se propose de recontextualiser Strand en rappelant l’importance de son engagement politique. Entre recherche formelle et implication sociale, il s’agit bien ici de rééquilibrer les forces à l’oeuvre dans sa pratique. »
C’est au cours de voyages que Strand développe sa photographie engagée.
Au Mexique, en Italie, en Egypte, en France, au Maroc…il capture des portraits de villageois à titre documentaire.
Des images profondes qui témoignent parfaitement du talent et du message de l’artiste.
L’accent est également mis sur ses livres photos, qu’il considérait comme les véritables aboutissements de son travail, les piliers de sa diffusion. 6 d’entre eux ponctuent et rythment l’accrochage.
L’exposition se termine adroitement sur un reportage revenant d’une étonnante façon sur la célébrissime photo Young Boy capturée en France.
Dans le tube :
Quant aux travaux de Levitt et Cartier-Bresson, ils sont exposés dans l’extension de la fondation inaugurée il y a juste quelques mois : le « tube ».
Nous sommes en 1935 quand Levitt découvre les photographies que Cartier-Bresson a pris lors de son année passée à Mexico.
Figure d’une révolution accomplie, le pays est la destination préférée des intellectuels gauchistes de l’époque.
Mais c’est aussi l’une de ces cultures particulièrement inspirantes pour les photographes, puisque les mexicains passent beaucoup de temps dehors, dans la ville. Donnant vie à un véritable théâtre de rue.
Cartier-Bresson y réalise des clichés marquants.
Bouleversée par ce travail, Levitt trouve le courage de sortir de l’ombre des chambres noires pour prendre ses propres photos.
À son tour, elle entreprend alors l’unique voyage de sa vie en partant à Mexico et réalise une série présentée par l’accrochage.
Les photos sélectionnées sont empreintes d’une grande intimité du quotidien et débordent d’humanité.
La ressemblance entre les photos des deux artistes est frappante.
S’y vous vous amusez à les regarder sans lire les cartels, vous constaterez qu’il est parfois difficile d’identifier qui en est l’auteur, tant leurs styles se confondent.
Ce dialogue inédit est fluide, presque évident.
Manuella Sorin
Du 14 février au 23 avril 2023
Fondation Henri Cartier-Bresson, 79 rue des Archives, 75003 Paris
Du mardi au dimanche de 11h à 19h